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Les arbres de la Liberté

Les arbres de la Liberté à Saint-Jean-de-Boiseau

plantation de l'arbre de la liberté

Historique
Les premiers arbres : 1789-1791
À l’époque de la Révolution, par imitation de ce qui s’était fait aux Etats-Unis à la suite de la guerre d’indépendance avec les poteaux de la liberté, l’usage s’introduisit, en France, de planter avec cérémonie un jeune peuplier dans les communes françaises. L’exemple en fut donné, en 1790, par le curé de Saint-Gaudens dans la Vienne, qui fit transplanter un chêne de la forêt voisine au milieu de la place de son village.

L’élan de 1792
Les plantations d’arbres de la liberté se multiplient au printemps et à l’été 1792 : la France, en guerre contre l’Autriche, est saisie d’un élan patriotique, et la défense de la patrie se confond avec celle des conquêtes de la Révolution. L’arbre devient donc un symbole fort de l’idéal révolutionnaire.
Le peuplier est alors préféré au chêne et, dès le commencement de 1792, plusieurs villes plantèrent des arbres de la liberté. Quelques mois après, plus de soixante mille de ces arbres s’élevèrent dans toutes les communes de France. Louis XVI lui-même présida à l’élévation d’un de ces arbres dans le jardin des Tuileries, mais il fut abattu en pluviôse an II « en haine du tyran ». Au moment du jugement du roi qui devait aboutir à sa condamnation, Bertrand Barrère de Vieuzac va jusqu'à déclarer : L'arbre de la liberté ne saurait croître s'il n'était arrosé du sang des rois.

Inauguration
La plantation des arbres de la liberté se faisait avec une grande solennité, toujours accompagnée de cérémonies et de réjouissances populaires auxquelles prenaient part, dans un même enthousiasme patriotique, toutes les autorités, magistrats, administrateurs, et même le clergé, prêtres, évêques constitutionnels et jusqu’aux généraux. Ornés de fleurs, de rubans tricolores, de drapeaux, de cartouches avec des devises patriotiques, ces arbres servaient de stations comme les autels de la patrie aux processions et aux fêtes civiques.

Importance et entretien
Les arbres de la liberté étaient considérés comme monuments publics. Entretenus par les habitants avec un soin religieux, la plus légère mutilation eût été considérée comme une profanation. Des inscriptions en vers et en prose, des couplets, des strophes patriotiques attestaient la vénération des populations locales pour ces emblèmes révolutionnaires. Des lois spéciales protégèrent leur consécration.
Un grand nombre d’arbres de la liberté déracinés en pleine croissance, étant venus à se dessécher, la Convention ordonna, par un décret du 3 pluviôse an II, que « dans toutes les communes de la République où l’arbre de la liberté aurait péri, il en serait planté un autre d’ici au 1er germinal ». Elle confiait cette plantation et son entretien à la garde et aux bons soins des citoyens, afin que dans chaque commune « l’arbre fleurisse sous l’égide de la liberté française ». La même loi ordonna qu’il en serait planté un dans le Jardin National par les orphelins des défenseurs de la patrie. D’autres décrets prescrivirent des peines contre ceux qui détruiraient ou mutileraient les arbres de la liberté.
De nouveaux arbres furent alors plantés, mais, malgré toute la surveillance dont ils furent l’objet, beaucoup furent détruits par les contre-révolutionnaires, qui les sciaient ou arrosaient leurs racines de vitriol pendant la nuit. Ces attentats étaient vivement ressentis par le peuple, qui avait le culte de ces plantations ; les lois d’ailleurs les punirent souvent avec la dernière sévérité, et des condamnations à mort furent même prononcées contre leurs auteurs. Ainsi, à Bédoin dans le Vaucluse, 63 personnes furent exécutées, cinq cents maisons rasées pour non-dénonciation des personnes coupables d'avoir arraché un tel arbre et les terres agricoles stérilisées au sel. Ces sortes de délits furent très fréquents sous la réaction thermidorienne. Le Directoire veilla au remplacement de ceux qui étaient renversés, mais Bonaparte cessa bientôt de les entretenir et fit même abattre une partie de ceux qui s’élevaient dans différents endroits de Paris. Sous le Consulat, toutes ces lois tombèrent en désuétude, et les arbres de la liberté qui survécurent au gouvernement républicain perdirent leur caractère politique. Mais la tradition populaire conserva le souvenir de leur origine.

Le devenir des arbres de la liberté au xixe siècle
À la rentrée des Bourbons, il existait encore un grand nombre d’arbres de la liberté dans toute la France, qui avaient été appelés arbres Napoléon sous l’Empire. Le gouvernement de Louis XVIII donna des ordres rigoureux pour déraciner ces derniers emblèmes de la Révolution. En grande partie abattus ou déracinés sous la Restauration les arbres de la liberté devinrent donc très rares dans les villes, mais on en voyait encore dans les communes rurales.

Renouveau
Après les Trois Glorieuses, quelques communes plantèrent encore de nouveaux arbres de la liberté, mais l’enthousiasme fut vite comprimé, et il y eut peu de ces plantations. Il n’en fut pas de même après la révolution de 1848, où cet usage fut renouvelé. Les encouragements des autorités provisoires ne manquèrent pas aux plantations d’arbres de la liberté ; le clergé se prêta complaisamment à les bénir.
Le retour de la République, en 1870, fut l’occasion de planter de nouveaux arbres. Cependant, le contexte la guerre franco-prussienne puis la Commune de Paris, et enfin la république conservatrice ne s’y prêtait guère. Les plantations sont plus fréquentes en 1889 (centenaire de la prise de la Bastille), puis en 1892 (centenaire de la Première République française).

Les arbres de la liberté à Saint-Jean-de-Boiseau.
Dans le bourg :
Le premier arbre de la Liberté est planté en 1792, sous l’initiative du curé André Danghin. C’est lui qui mène les débats pour la commune de Saint-Jean-de-Boiseau. Il ne peut être maire de par la loi, mais il occupe la fonction de juge de paix. Nous ignorons l’emplacement exact de ce premier arbre de la Liberté, mais il devait se situer entre le cimetière et la mairie (l’ancien prieuré). Il n’aura pas le temps de grossir car quatre ans plus tard il est victime d’un acte de vandalisme.

21 Fructidor An IV (7 septembre 1796) [1]
« Deux jeunes gens du bourg de Boizeau, par imprudence ou maladresse ont abattu l'arbre de la Liberté planté au bourg. J'ai dénoncé et requi du juge de paix d'instruire sur ce fait.[2]
Le nom des auteurs du forfait ne sont pas mentionnés, mais le rapport est bien complaisant. Il est vrai qu’on entre dans la période de conciliation et la guerre fratricide touche à sa fin. La terreur est terminée.
Un autre arbre sera planté au même endroit. A priori il ne sera abattu qu’avec le retour de la monarchie en 1816. A la municipalité, tous les anciens aristocrates de Saint-Jean occupent la majorité des postes de conseillers : Delaville Leroux de la Cruaudière, de Linière représente le comte de Mauclerc propriétaire du château d’Aux, Mme la comtesse De kercabus du château du Pé représentée par son fondé de pouvoir M Hervouet, Le comte de Martel également du château du Pé, M Duhalgouet de Nantes mais propriétaire de biens à Saint-Jean, Aristide Demangeat de la Montagne, De la Chevière, M Poulpiquet du Halgouët, Bachet de l’enfant. La liste des élus comporte également des notables comme Brissault bourgeois nantais acheteur de nombreux biens nationaux, Athénas savant nantais propriétaire à l’hommeau etc...
En 1821, pour fêter le retour du roi, des festivités sont organisées et c’est le sieur Chiché, marchand de chevaux rue du Cartron, qui fournit une barrique de vin à la commune. Elle est mise en perce sur la place de Saint-Jean.
Lors de la Fête du 5 mai 1889, en l’honneur de l’abolition du régime féodal et l’égalité devant la loi, il est décidé de planter un arbre du centenaire rappelant la grande réforme de 1789. Le lieu choisi est la place de la Liberté au bourg de Saint-Jean, à l’emplacement de l’ancien cimetière. Après la plantation de l’arbre, on va danser autour d’un feu de joie, puis un feu d’artifice est tiré. Pour l’occasion, les bâtiments communaux sont illuminés par des lanternes. Cet arbre que l’on voit croître sur plusieurs photos anciennes sera coupé lors de l’électrification de la commune et l’élargissement de route en 1928. Les branches de l’arbre empiétaient trop sur la chaussée et gênait la circulation.
Pour fêter le bi-centenaire de la révolution, la municipalité dirigée par Camille Durand et le comité des fêtes décident de planter un arbre de la Liberté, près de l’entrée de la Salle des sports des Genêts. C’est en mai dans le cadre des festivités des 2 jours de Saint-Jean que la plantation à lieu le samedi après-midi. A cette occasion une petite reconstitution historique avec des personnages costumés, rappelant la période de la terreur avec la charrette des condamnés et l’échafaud, défile dans les rues du bourg jusqu’au lieu choisi. C’est M. Le maire qui procède à la plantation. Hélas, sans doute n’a-t-il pas « la main verte » comme l’on dit en terme de jardinage, car l’arbre va rapidement dépérir et sera supprimé. Le passage fréquent des enfants se rendant à la salle de sport en est peut-être la cause.

A Boiseau :
Un autre arbre avait aussi été planté à Boiseau place du Dîne-Chien (aujourd’hui place du Maréchal Leclerc). Le 12 juin 1832 il est abattu pendant la nuit. La veille, après le changement de régime politique et de municipalité, Il y avait été mis le drapeau tricolore dessus. Cela ne dû pas plaire aux anciens monarchistes car Il a été scié à 3 pieds de hauteur et sur la tête tombée à terre figurait un linge blanc royaliste (représentant sans doute le gouvernement déchu). Il n’y a plus de noble ou ex dans le conseil municipal à l’exception de M Delaville Leroux.
Un autre arbre va être planté, mais cette fois dans le virage en haut de la rue des remparts. Voici le récit d’un Boiséen, René Gendronneau, né à l’ombre de l’arbre de la liberté, dans la maison la plus proche démolie en 1928 et rebâtie en 1929, au 49 de la rue du Commerce.
Il avait été planté en 1832 à l’intersection des rues actuelles nommées rue du Commerce, des Remparts et de la Douane, de l’autre côté de la murette retenant le remblai de la route, près du ravin de l’étier à gauche du passage du petit chemin descendant vers la route d’Indret.
Il ne résista que peu de temps : à Boiseau il y avait des opposants prêts à agir. Une nuit l’arbre fut arraché et disparu aux grands regrets des planteurs républicains. Peu de temps après, ne s’avouant pas complètement résignés, un deuxième arbre fut planté au même endroit ; mais cette fois l’on prit plus de sécurité, on l’entoura d’une ganivelle.
Le jour de la plantation, au fond du trou, l’on plaça, entre les racines une bouteille contenant un parchemin portant des inscriptions sur l’évènement. Dans les années qui suivirent, l’arbre, un ormeau devint très beau et très haut. Je me souviens, dans ma jeunesse, avec les copains, on se mettait à deux, les bras tendus, pour faire le tour du pied. Certaines branches allaient jusqu’à terre, l’on se balançait accrochés au-dessus du ravin tout proche.[3]
Après 1945, la maladie des ormeaux attaqua les branches qui tombaient par grand vent. Il fallut en couper à cause de la route qui passait tout près. La maladie se répandit assez vite à l’ensemble de l’arbre et, à la fin des années cinquante, par sécurité, la mairie décida de le couper au pied. Quant à la bouteille avec le parchemin qui se trouvait au pied de la souche…On la recherche toujours, mais les restes de l’arbre ont été enlevé depuis le récit de René.
Le 14 juillet il y avait fête à Boiseau les républicains se montraient assidus à célébrer l’événement ; cependant l’opposition était toujours dans l’ombre. Un soir de fête un opposant avait calculé son coup, accompagné de sa charrette de foin hautement chargée, il avait pris la décision de traverser tout le village depuis le Chat qui Guette souhaitant faire un mauvais sort aux lanternes accrochées dans la rue principale. Au passage, un responsable de la fête interpella le villageois récalcitrant, il lui dit : nous avons une belle fête ce soir, l’autre d’un ton moqueur et haineux lui fit cette réponse : « failli républicain » puis il continua sa route jusqu’au bout du village.
Nota : il existait également un arbre de la liberté place du 14 juillet à Indret.

Jean-Luc Ricordeau

[1] ADLA L 322 n° 85:
[2] Saint Commissaire de la République au Pellerin.
[3] René Gendronneau

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