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Bénédiction des trois cloches

 


Le clocher de l’église de Saint-Jean-de Boiseau retrouve son éclat, après une importante restauration. L’étage qui manque depuis la fin du XVIIème n’enlève rien à son intérêt. Sous l’habillage d’ardoises, une très belle charpente, a été visible quelques semaines par les habitants de la commune. Cette tour de bois massif, appelée beffroi sert à porter les trois cloches et limiter les efforts, qu’elles engendrent lors de leur fonctionnement, sur la maçonnerie. On ne les entend plus émettre les sons qui résonnaient autrefois pour annoncer les évènements, bons ou mauvais, qui marquaient la vie dans la cité. Pourtant elles sont toujours en état de fonctionner à l’aide d’un équipement électrique, mais aussi manuellement à l’aide d’une corde située dans la chapelle Sainte-Anne.

Ces cloches ne sont pas les premières que le fier clocher abrite.

En effet, avant la révolution il y en avait également trois dont nous avons connaissance grâce aux rapports des cérémonies de leur baptême.

La plus ancienne connue date du 20 août 1699. Elle est bénie sous le nom de Jean par messire Jean Lebreton, prieur-recteur de la paroisse. Elle a pour parrain messire Jean Binet, chevalier seigneur de la Blotière, du Plessis Mareuil en Saint-Viaud, de la Musse et autres lieux, conseiller du roi en tous ses conseils, grand bailli au pays et comté nantais et la marraine est dame Jehanne Bretagne, veuve de maître Jacques Peillac, sieur de la Hibaudière (le château D’Aux à la Montagne) conseiller du roi au présidial de Nantes, en présence de messires Jacques Pélaud vicaire de Céand  Michel Guilloté vicaire du Pellerin et de Louis et Pierre Lacoste les fondeurs des cloches.

La grosse cloche « Louise-Anne » est installée le 24 octobre 1786 et bénie par le recteur Marc-André Denghin. Le parrain est messire le comte François-Vincent-d’Aux et la marraine est sa fille Louise-Anne-Désirée d’Aux.

Les évènements révolutionnaires vont les supprimer. Par décret du 23 juillet 1793, il est ordonné de descendre et fondre toutes les cloches de nos églises afin de récupérer la matière pour mouler des canons. Celles de Saint-Jean seront acheminées à Rochefort.

A la restauration, en 1805, l’église qui n’a heureusement subi aucun autre dommage, peu accueillir une nouvelle cloche. Avec peu de moyen, le 6 juin 1805, Jeanne Rose sort des ateliers Voruz de Nantes. Elle pèse 587 kg. Elle a pour parrain Joseph-Louis-de-Linières (gendre de M d’Aux, propriétaire de la Hibaudière) et pour marraine, Marie Rose de Martel, veuve de M.de Kercabus, propriétaire du château du Pé.

Hélas, cette cloche est de médiocre qualité et moins d’un siècle plus tard, elle est hors d’usage et son remplacement s’avère nécessaire. La situation économique étant plus favorable, ce n’est pas une, mais trois nouvelles cloches que l’on va mettre dans le clocher le 6 juin 1898.

Tout un cérémonial a été mis en place pour cette bénédiction. Les trois cloches reposent dans la nef et sont recouvertes d’une robe de baptême.

Le récit de la cérémonie, avec toute la grandiloquence et la ferveur de l’époque, nous est rapporté par le récit qui en est fait dans la « semaine religieuse » du 25 juin 1898

Ceux qui connaissent l'église de St Jean-de-Boiseau croiront peut-être à une méprise en lisant l'annonce (semaine religieuse) d'une bénédiction de cloches dans cette paroisse. Ordinairement, il est vrai, c'est dans des flèches élancées, toutes brillantes encore de fraîcheur et de jeunesse, que les cloches nouvelles viennent chanter leurs gais carillons ; mais pourquoi la vieille tour n'aurait-elle pas, elle aussi, des hôtes harmonieux pour réjouir et charmer nos vieux jours ? Ses murs qui ont bravé les siècles, sauront bien porter avec une noble fierté, le fardeau glorieux qu'on va leur imposer aujourd'hui. Trois nouvelles cloches vont y prendre place ; et la bénédiction, par laquelle, elles furent le mardi 7 juin 1898, consacrées au culte divin, mérite d'être mentionnée dans nos archives paroissiales.

L'église, décorée comme aux plus beaux jours de fête, avait pris ce jour-là un air de jeunesse. Son enceinte trop étroite était envahie une heure avant la cérémonie, par une foule pieusement empressée dans laquelle on remarquait un grand nombre d'hommes qui, pour s'unir à cette belle célébration, n'avaient pas hésité à s'arracher aux travaux des champs ou de l’atelier. Toute cette chrétienne population venait, dans un élan de foi et d'enthousiasme religieux, célébrer cette journée qui était comme la dernière clôture de la mission de Noël, si féconde aux fruits du Salut. Heureuses pensées d'avoir choisi des cloches comme souvenir de mission. Chaque jour elles feront revivre dans les cœurs les joies du retour à Dieu, chaque jour elles chanteront à tous les échos le cantique de la persévérance ; et quand la génération actuelle aura disparue, l'inscription gravée sur leurs flans d'airain dira encore aux âges futurs qu'elles sont le mémorial des jours de grâce et des bénédictions.

En ce moment, couronnées de fleurs et parées comme des reines, elles attendent le baptême qui va les sanctifier et consacrer leurs voix au service du Seigneur. Elles sont belles avec le magnifique vêtement que des mains délicates ont su leur donner ; et pourtant j'ose dire qu'elles sont plus belles encore quand, dépouillées de tout ornement étranger, elles apparaissent à tous les regards dans leur splendide nudité. Eclatantes de blancheur comme si elles sortaient d'un bain d'argent, elles sont ornées des ciselures les plus délicates, au milieu desquels se détachent des sujets pieux, tels que le baptême de Notre Seigneur, le Crucifiement etc ... exécutés avec un art merveilleux.

Ces cloches qui sortent des ateliers de M. Robert à Nancy, font le plus grand honneur à l'artiste. Elles s'harmonisent dans un accord parfait : la plus grande Marie-Louise qui a pour parrain M Louis Averty-Monnier et pour marraine Mlle de La Ville-Leroux, pèse 1313 kg et donne le bi bémol. La seconde Caroline Petronille a pour parrain M Pierre Chesneau, président du Conseil de Fabrique et pour marraine Mlle (Corinne Fradet) pèse 697 kg et donne le sol. La troisième Marie-Philippe qui a pour parrain M Philippe Mocquard et pour marraine Mlle Marie Chesneau-Gautret pèse 393 kg et donne le si bémol. Aussi ces cloches attirent-elles le regard de tous.

Tous les aiment déjà ces cloches dont l'obole du pauvre comme l'or du riche a contribué à doter la paroisse.

Après la messe célébrée par M l'Abbé Blanchet, professeur à Saint-Stanislas, M le chanoine Courgeon, ami intime de Mgr Legal monte en chaire et pendant une demi-heure, il tient son auditoire sous le charme de sa parole. Il nous retrace le grand rôle de la cloche dans le culte divin ; il prépare admirablement nos âmes à la cérémonie qui va s'accomplir en nous disant comment la cloche chante, la cloche prie, la cloche commande.

L'heure solennelle est arrivée. Le pontife quitte le sanctuaire et s'avance vers les cloches, précédé d'un nombreux clergé. Au passage du cortège, un sentiment mêlé de joie et de fierté pénètre les âmes. Un grand nombre de ces prêtres qui traversent les rangs pressés de la foule appartiennent à la paroisse de Saint-Jean-de-Boiseau. Ils sont venus aujourd'hui au nombre de dix, des différents points du diocèse, pour prendre part à la joie de leurs frères et leur présence ne contribue pas peu à faire de ce beau jour une véritable fête de famille. Mais ce qui rehausse surtout l'éclat de cette journée, ce qui lui donne son véritable cachet, c'est la présence de Mgr Legal, évêque de Poglu et coadjuteur de l'évêque de Saint-Albert. Les deux mots disent assez qu'il porte au front la double auréole du sacerdoce à son plus haut degré et du plus héroïque dévouement.

Depuis dix-huit ans, le diocèse de Saint Albert l'a vu porter à tous la lumière et les consolations de la foi catholique, malgré les rigueurs d'un froid excessif, malgré le dénuement, les fatigues et les privations de tous genres. Aussi, la vénération due aux dignités et aux grandes vertus courbe les fronts sur son passage. Mais un sentiment plus doux incline vers lui tous les cœurs. Ce pontife qu'on vénère si religieusement, on l'entoure aussi d'une affection profonde, j'ose dire fraternelle, car Mgr Legal est ici véritablement comme un frère au milieu de ses frères. Il est né, il a grandi dans cette belle paroisse de Saint Jean-de-Boiseau, qui est fière aujourd'hui, à juste titre d'avoir vu naître le plus illustre de ses enfants. Dans les rangs émus de cette assistance, Monseigneur peut reconnaître bien des visages amis. Parmi ceux qui s'inclinent sous sa main bénissante, plusieurs se sont agenouillés près de lui au banquet de la première communion ; plusieurs ont pu admirer plus tard dans le séminariste et le jeune prêtre la piété profonde qui les édifiait jointe à une véritable simplicité qui donnait un nouvel éclat aux brillantes qualités de son intelligence. On l'a aimé beaucoup autrefois et aujourd'hui qu'on le revoit, après dix-huit ans d'absence, couronné de la mitre des pontifes, on l'aime plus encore et j'ai vu plus d'une larme de joie couler sur son passage.

Au milieu d'un profond recueillement, Mgr Legal procède au baptême des cloches. L'eau qu'il vient de bénir coule sur elles pour les séparer des objets profanes et les purifier. Puis l'onction du Saint Chrisme, sept fois répétée à l'intérieur et à l'extérieur les consacre au culte divin. C'est l'onction du même chrisme qui proclame la royauté spirituelle du nouveau baptisé, marque dans la confirmation les soldats de l'Evangile et sanctifie les mains du prêtre au jour de son ordination sacerdotale. C'est qu'en ce moment la cloche reçoit une sorte de participation à cette triple grâce. Reine des airs, elle domine de sa voix puissante tous les bruits de la terr. Elle rappelle au peuple chrétien le devoir de vigilance ; enfin, comme le prêtre, elle exerce entre Dieu et les hommes un ministère de médiation. Sa voix sublime chantera au nom des hommes la gloire du Seigneur et ses purs accents porteront vers les régions célestes l'harmonieux écho de leurs prières. Au nom de Dieu, elle commandera aux hommes elle rappellera à tous le devoir de l'adoration et le repos du saint jour et dans les cœurs indifférents ou coupables elle portera un trouble salutaire. Ces pensées saintes, dont l'orateur avait si profondément pénétré nos âmes, nous remplissaient tous pendant que Mgr LEGAL accomplissait les rites mystérieux de la bénédiction.

La cérémonie touche à sa fin. Pour terminer, le pontife puis les parrains et les marraines s'approchent successivement des cloches. C'est à eux qu'est réservé l'honneur de faire retentir les premiers accents de leurs voix désormais saintes et consacrées.

Tous les assistants attendent avec impatience, quand soudain au choc du battant, les premières notes jaillissent pures, vibrantes, émues merveilleusement unies dans un accord parfait.

L'attente était dépassée, un frémissement de joie et d'enthousiasme passe à travers les rangs de la foule ravie d'admiration.

Encore quelques heures et les trois cloches seront montées dans le vieux clocher, fier de posséder un pareil trésor. Bientôt leurs joyeuses volées remplissent les airs, elles chantent le bonheur de cette chrétienne population de Saint-Jean-de-Boiseau.

Leur appel nous réunit une seconde fois dans l'église encore trop étroite pour la multitude qui s'y presse.

Mgr Legal monte en chaire. Il témoigne sa joie de voir ses compatriotes, en prière, fidèles à leur foi et empressés à saluer en lui l'élu du Seigneur. Puis il nous parle de son diocèse de Saint-Albert, vaste comme la France, des travaux, des fatigues des missionnaires, des progrès de la foi dans ces régions et de ses espérances pour l'avenir.

Un salut solennel du T. S. Sacrement termine cette belle fête de l'Eucharistie. Evêques prêtres et fidèles, tous enfants de Saint-Jean-de-Boiseau, unirent leurs âmes dans une même prière afin d'attirer sur la paroisse toutes les bénédictions du ciel.

 

                                                                                         Un paroissien

 

 La mise en place des cloches

Après ce cérémonial, il faut maintenant mettre les cloches dans le beffroi. A travers les comptes rendus qui nous sont parvenus, une grande appréhension s’était manifestée dans le public et la paroisse. Le clocher était ’il assez solide pour supporter le poids des trois cloches ? N’allait-il pas s’ébranler avec les vibrations ?

On allait le savoir rapidement, car pour mettre les cloches en place, il faut au préalable faire une ouverture dans la maçonnerie du clocher pour permettre leur accès dans le beffroi. Cette brèche va permettre de constater que les murs, vieux de plusieurs siècles, sont encore très solides et « opposèrent une résistance à laquelle on était loin de s’attendre, et montrèrent qu’ils pouvaient rivaliser avec les meilleures constructions récentes »[1].

A l’aide de palans accrochés sur les poutres supérieures du beffroi, elles sont hissées l’une après l’autre jusqu’à ce que l’anneau d’accrochage soit arrimé, à l’aide de 4 à 5 tiges d’aciers, sur la poutre mobile qui permettra le mouvement de la cloche. Cette délicate opération était une affaire de spécialistes, l’accrochage n’étant pas sans risques. Une fois les trois cloches dans leur emplacement, les maçons doivent obturer l’ouverture faite dans le clocher. Cette reprise de maçonnerie était bien visible avant la restauration qui vient d’être effectuée.

Vers un nouveau clocher

En 1860, La fabrique se trouve en possession d’une petite fortune à la suite d’une succession de legs en sa faveur : Legs Guillet, leg Favreau et celui de l’abbé Hervé.

Devant cette manne financière on échafaude le projet de transformer et agrandir l’église.

En janvier 1864, on achète une maison et son jardin, situés face à la grande porte pour la construction d’un nouveau clocher. Les biens appartenait au curé.. qui les avaient acheté en 1860 pour la somme de 3148F.



Le 3 décembre 1865, le projet d’agrandissement de la nef ne fait pas l’unanimité. Certains préfèreraient une deuxième tribune et le préfet voudrait un nouveau plan, ainsi que l’emplacement projeté pour le clocher que l’on veut faire plus tard. En faite l’agrandissement sera bien réalisé, mais sans le déambulatoire à colonne côté rue. Le projet d’un nouveau clocher restera dans les cartons et nous n’aurons, heureusement pas, un clocher près de l’entrée principale.

 

Jean-Luc Ricordeau

 

 



[1]  Archives paroissiales de St Jean

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