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Madame Mainguy, modiste au Pellerin

Mme Mainguy

 

Madame Mainguy est née en 1916 à Vertou. Elle est arrivée au Pellerin à l’âge de trois ans, au village de la Ville au Vay. Elle entre en apprentissage chez Madame Judic, rue Aristide Bertreux comme couturière dans le magasin de chapeaux. Outre les chapeaux à la mode, on y vendait toutes sortes de tissus. Il y avait deux employées en temps normal et jusqu’à cinq les jours de forte affluence.
« J’ai travaillé cinq ans chez madame JUDIC, la sœur du conseiller général, dont mes 18 mois d’apprentissage, avant de passer ouvrière. On effectuait toutes les tâches, y compris la tenue du magasin, mais j’étais surtout spécialisée dans la confection des chapeaux.
Lorsqu’il y avait des deuils, on avait beaucoup de travail. Il fallait faire le chapeau entièrement et cela demandait deux journées. Il y avait le chapeau en crêpe avec la grand-voile pour la famille proche et celui avec le petit voile pour les parents plus éloignés. Celui du demi-deuil était en crêpe Georgette avec un demi-voile en crêpe.
Madame JUDIC achetait aux voyageurs ambulants des cônes de feutrine pour la mise en forme sur des moules en bois qui faisaient les tailles de 53-55-57. Chaque cône était étiré sur les moules et bien attaché. Une fois sec, on l’enlevait et avec un fer on faisait le bord en l’étirant, le remontant, puis on le mettait à la forme de la tête. Après on le garnissait au goût de la cliente. J’ai connu des oiseaux, des grosses fleurs, des roses, des chapeaux relevés sur le devant, sur le côté et puis progressivement la mode est venue aux rubans : des noirs puis en couleurs. Le feutre lui était le plus souvent noir ou de couleur foncée. Il y avait un outil que l’on appelait « le Coq ». C’était une boule ovale que l’on chauffait et humidifiait en le mettant dans le chapeau pour lui donner une forme spéciale. On faisait aussi cela pour les bonnets blancs, on les chauffait sur la cuisinière et il fallait avoir juste la bonne température estimée en le posant sur la main puis en essayant sur du papier et si celui-ci ne brûlait pas c’était à point. La feutrine s’étirait bien. Nous avions souvent des préformes préparées d’avance et des modèles dans la devanture pour aider les clients à choisir.
On faisait aussi les chapeaux de paille que l’on recevait en tresses qu’il fallait coudre pour leur donner sa forme ronde. C’était le plus long mais pas le plus difficile. Pour le fond on le formait sur des cônes en sur-galette ou sur des têtes de bois que l’on épinglait. Puis on le garnissait.
On ne faisait pas les chapeaux d’hommes, ils se vendaient rue Crébillon à Nantes dans un magasin spécialisé.
On vendait aussi les combinaisons noires, les robes noires, les bas et les gants noirs. Le deuil coûtait très cher à l’époque. Un chapeau coûtait plus d’une journée de salaire car un chapeau de demi-deuil on n’en faisait que deux ou trois dans une journée.
L’horaire de la journée était le suivant :
- 8 h - 11 h 30 le matin et 13 h - 18 h l’après-midi et un peu moins en apprentissage. Il arrivait rarement que l’on termine une commande de deuil la nuit. Il y avait une bonne ambiance car la patronne était très gentille. On travaillait tout en passant de bons moments !
Beaucoup de clients préféraient avoir affaire aux ouvrières plutôt qu’à la patronne parce qu’ils pensaient qu’on leur faisait plus ce qu’ils voulaient, ce qui était faux…
Ce travail était mal rémunéré, comme tout le travail féminin de l’époque, par contre le magasin marchait bien et madame JUDIC gagnait bien sa vie.
Nous n’avions pas de congés payés, mais si on avait besoin d’une journée, on pouvait la prendre sans difficulté.
Ma patronne avait confiance en moi et me laissait tenir le magasin, étant partie parfois toute la semaine à Paris. La clientèle venait des fermes et la bourgeoisie du Pellerin et de Saint -Jean-de-Boiseau, le samedi matin, jour du marché était la grosse journée.
Pendant la guerre de 39/45 les réfugiés étaient presque tous porteurs de poux mais l’occupation posait des problèmes d’approvisionnement en matière première, alors les gens récupéraient les chapeaux usagés que l’on nous donnait pour en refaire avec une autre forme et avec des morceaux neufs. Il fallait se débrouiller.
On faisait aussi des chapeaux d’enfants, bonnets en organdi avec de la dentelle gaufrée et des capelines pour l’été et la protection du soleil.
Le repassage des coiffes et des bonnets se faisait chez des lingères ou à domicile, mais pas chez nous.
Après mes années passées chez madame JUDIC, je suis allée apprendre la coiffure à Nantes, rue d’Orléans dans le grand salon Bethe et Maria. Je me rendais à mon travail en vélo jusqu’au Pellerin puis avec le car Brounais.
Après un an d’apprentissage, je me suis mise à mon compte rue Aristide Bertreux au Pellerin. On frisait avec un fer à friser chauffé avec une lampe à alcool. Il fallait faire attention de ne pas se brûler les doigts ou les cheveux des clientes. Ceux-ci n’avaient pas toujours la tête propre car les gens ne se lavaient pas la tête très souvent. Chez certains c’était tous les deux ans. Parfois c’était la mariée qui venait se faire coiffer et demandait une ondulation mais dans quelques cas c’était impossible car il fallait d’abord faire un shampoing et elle trouvait cela tellement drôle qu’il n’était pas facile de le faire comprendre. Pour beaucoup de gens de la campagne, un shampoing par an suffisait.
On a eu l’électricité en 1931 à la Ville au Vay. Avec cette énergie nouvelle, c’était plus facile de faire les permanentes avec de nouveaux outils. Au début de mon installation, il n’y avait pas l’eau courante et je devais aller en chercher au puits.
J’ai quitté mon salon rue Aristide Bertreux pour m’installer rue du Château où là j’avais l’eau courante. Une mise en plis durait trois bonnes heures.
A part les coupes et les mises en plis, on faisait peu de teintures et c’était en général en cachette, quand il y avait peu de monde. C’était un secret entre moi et la cliente. La couleur des teintures était le noir et le brun que j’achetais à la coopérative des coiffeurs de Nantes
Mon salon était ouvert tous les jours plus le dimanche matin après la messe. Je ne faisais pas la barbe mais je coupais les cheveux des hommes et je n’avais pas d’employé.
Dans mon salon, il m’arrivait aussi de faire des chapeaux pour rendre service ou des bonnets de bébé. J’ai aussi fabriqué des chapeaux pour le groupe Sant Yann. Mon mari m’avait fait une forme en inox sur laquelle je mettais le feutre mouillé que je tendais et le laissais sécher sur ce modèle. Je faisais d’abord le bord du bas et ensuite j’ajoutais un ruban de velours. Chaque petit chapeau était assez long à fabriquer en raison du temps de séchage.
Après j’ai arrêté ce travail des chapeaux et j’ai brûlé les têtes et les modèles quand j’ai déménagé.
J’ai gardé de cette période chez madame JUDIC le souvenir de merveilleux moments. C’était la grosse journée ».

Interview réalisée par Thérèse Herfray et René Trouillard


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