Son origine
Fils de Jean-Paul Prin et de Jeanne Girard, Jean-Baptiste Prin est né le 31 mars 1861 dans le bourg de Saint-Jean. Il fait sa profession de foi mariste le 24 septembre 1866. Après son ordination, il est envoyé en mission et part aux îles Fidji où il arrive en juin 1888. En 1901, il est envoyé aux Nouvelles Hébrides. En 1902, il se trouve à Aoba (également dans les Nouvelles Hébrides) et y fonde le poste de Nagire. Il y restera jusqu'à la guerre après avoir effectué un bref séjour sur l'île voisine de Pentecôte. Il retournera de longues années à Melsisi (Pentecôte).
Ses déplacements le limiteront toujours dans ces îles et il finira sa vie à Port Vila (île d'Efaté, toujours dans les Nouvelles Hébrides) le 3 novembre 1928.
Tout comme Ephrem Bertreux, son parrain, Jean-Baptiste Prin éprouva très tôt un besoin irrépressible de devenir missionnaire, mais cette passion devait lui faire connaître des affres terribles qui, paradoxalement, provoquèrent des instants de doute qui faillirent le faire s'engager dans l'armée.
Ce désir fut d'abord confus, avoue-t-il mais à partir des classes de 5ème et de 4ème, cela devint plus raisonné. Il demanda donc à son parrain de le faire entrer à l'école de Pontchâteau avec cet objectif. Il ne put y entrer, il n'y avait plus de place. Son parrain qui était à ce moment au noviciat de Verdelais put le faire entrer dans le même ordre que lui et voilà Jean-Baptiste Prin admis à l'école de Montluçon. A la fin de ses études, il entra au noviciat.
« Pendant la 1ère retraite, je fus effrayé de ce genre de vie que je trouvais sévère et malgré le révérend père Artignan, je partis ». Hélas ! C'est là le commencement de mes résistances et de mes combats contre ce désir des missions. A peine rendu à la gare, je me repentais déjà, pourtant je partis. Mais, sur le bateau, ma conscience parlant si fort, j'écrivis au révérend père Artignan, lui demandant à rentrer. Il me répondit que maintenant il valait mieux attendre quelque temps. Je revins chez moi, bouleversé, découragé. Je faillis continuer mon coup de tête et m'engager dans l'armée, c'était d'ailleurs l'année où je devais tirer au sort».
En rentrant chez lui, il retrouve le vicaire de sa paroisse avec qui il entretient de très bonnes relations. Il continua donc des études de philosophie mais ses tourments le poursuivent toujours : « ... je ne voulais être prêtre que pour pouvoir être missionnaire ; or j'ai vu que je ne pouvais pas être missionnaire, c'est trop difficile. Donc je ne veux plus être prêtre ».
Finalement son désir prendra le pas sur toutes autres considérations et il demandera à aller aux îles Fidji pour y travailler avec son parrain Jean-Baptiste-Ephrem Bertreux.
Les îles Salomon :
Les îles Salomon connurent leurs premiers missionnaires en 1845. Mgr Epalle qui faisait partie de cette première équipée fut assassiné au bout de 15 jours. Son successeur Mgr Collomb succomba aux fièvres en 1848, d'autres Maristes qui avaient fait le voyage avec lui furent également massacrés en peu de temps : 3 d'entre eux furent rôtis et mangés, 2 autres subirent peu de temps après le même sort (l'un d'entre eux, jugé trop maigre, fut même « engraissé » plusieurs jours avant de subir son sort). Les évangélisateurs durent renoncer à leur mission. Une seconde tentative fut effectuée en 1852 par les Missions-Etrangères de Milan qui ne connurent pas de meilleur résultat. En 1855, les îles sont définitivement abandonnées. Il faudra alors attendre 1898 pour qu'un autre Mariste s'aventure dans ces contrées particulièrement inhospitalières. Vidal, administrateur du vicariat apostolique des îles Salomon, avait lancé en février 1897 un vibrant appel : « Archipel des Salomon, vos premiers missionnaires martyrs en appellent maintenant d'autres, et nous espérons que la chaîne de leur apostolat parmi vous ne sera plus interrompue ».
Une scène d'anthropophagie dans les îles Salomon :
En 1909, un des missionnaires de ces îles écrit : « Un jour qu'une forte échauffourée avait mis aux prises sa tribu (il s'agissait d'un notable indigène) et la tribu voisine, dix cadavres restèrent sur le terrain. Les jeunes gens s'en allèrent avec de longs pieux de bois creuser un grand trou circulaire, au milieu du village. Les femmes apportèrent dans ce trou tout le bois sec qu'elles purent trouver, et entassèrent par-dessus un monceau de pierres. On alluma. Bientôt une grande flamme fumeuse lécha les pierres. Quand elles furent bien chaudes et toutes rouges, on retira la braise et les cendres, et, dans ce four improvisé, on coucha, enveloppés dans des feuilles de bananier, les dix cadavres. Puis on entassa dessus des herbes sèches et on recouvrit le tout de terre. Une odeur de chairs rôties remplit tout le village. Trois heures durant des chants d'allégresse et de victoire résonnèrent autour du feu. Lorsque les cadavres furent cuits à point, on enleva la terre, les feuilles, les pierres, et on se partagea les victimes. Chaque famille eut sa part ».
Seul contre l'adversité :
Aux îles Fidji, il arriva une bien triste aventure à notre missionnaire. Celle-ci prit une tournure suffisamment aigre pour qu'il en soit profondément marqué toute sa vie et pour qu'un doute désormais plane en permanence sur son activité. Doute qui lui vaudra bien des avatars par la suite et qui fera, que même parmi ses confrères, un sentiment de défiance s'installe, sentiment qui au travers de ses écrits finit par s'estomper lorsque ses confrères travaillent quelques mois ou années à ses côtés. Mais laissons-lui le soin d'expliquer ce qui lui est arrivé : « ... Cet indigène aurait voulu se marier et avait été rebuté 7 ou 8 fois. Cependant je lui donnais de quoi payer sa femme (pratique courante à cette époque dans ces îles). J'eus occasion de racheter une petite fille. Il me la demande en mariage. Je veux bien dis-je mais elle est libre ; elle choisira quand elle sera en âge. Elle ne voulut pas de lui et se maria à un autre. De là, j'étais un menteur et comme il était influent et grand parleur, par menaces même de fusil il fit partir une grande partie des gens de la mission. Ceux qui resteront, disait-il, je les ferai mourir par les sortilèges. Aussi en mit-il sur tous les chemins conduisant à la mission. Dans les villages, il essayait d'ameuter les gens contre moi, il réussit momentanément. Mais les gens se fatiguèrent, ceux qui étaient partis par peur revinrent et lui-même se sentant menacé après avoir vécu une semaine dans la brousse vint se réfugier chez moi. Je le reçu. Quelques jours après mon départ, il fit le tapage à la mission accusant les gens de vouloir le tuer, il partit après chez le père Suas qui le reçut. Mais il n'y resta pas tranquille, y mit le désordre et le père Suas le mit à la porte ».
Son départ ayant coïncidé avec la fin de cette affaire, la rumeur s'en saisit et répandit le bruit que « l'évêque des Fidji l'avait chassé à cause de cela ». Ce n'est que près d'un an plus tard que l'on commença à lui faire des reproches et bien que son évêque lui ait dit « pour votre affaire de Nagire, je sais à quoi m'en tenir, n'en parlons plus » bien des griefs lui seront reprochés, un doute particulièrement pernicieux sur ses rapports avec les populations locales le suivra comme son ombre tout au long de son séjour car même si les voyages étaient longs à cette époque pour aller d'une île à l'autre, ils n'étaient pas rares, et bien des autochtones se chargèrent de colporter des dires qui ne devaient avoir que bien peu de lien avec la réalité. Ivrogne dira-t-on, puisqu'il buvait 20 bouteilles par jour, ce qui paraît quand même un peu excessif pour un homme mort à 67 ans après avoir passé ... 40 ans dans ces îles (sans jamais revoir la France malgré une demande en 1923) où les fièvres usaient un individu à une vitesse accélérée.