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Séparation de Saint-Jean-de-Boiseau et de La Montagne : une histoire douloureuse

Eglise de La Montagne

 

Saint Jean de Boiseau, commune rurale, s'étendait jusqu'au milieu du XIX° siècle
de Bouguenais au Pellerin. A la fin du XVIII°, le ministre de la Marine décida de créer juste à côté (à Indret) une fonderie royale de canons. La venue d'ouvriers en ces lieux qui se regroupèrent géographiquement dans une zone non habitée pour y former un nouveau village provoqua une telle tension qu'en 1877, les autorités départementales durent créer une nouvelle commune à la demande des boiséens.

D'abord une paroisse distincte ...
C'est le prêtre de St Jean, le curé Nouël, qui donna le premier signal. Il apprécie les habitants de Saint Jean qui le suivent bien alors que ceux de La Montagne qu'il taxe « d’irreligion » et envers qui il doit « se montrer indulgent envers cette population qui n'est point indigène » se montrent très rétifs. Il leur reproche de ne pas envoyer suffisamment leurs enfants au catéchisme et de ne suivre que fort peu les offices religieux. Devant l'extension phénoménale de ce nouveau village (inexistant dans les années 1820, et regroupant davantage d'habitants que tout le reste de la commune en 1877), il préconisera la création d'une nouvelle paroisse dès le début des années 1860 et parviendra à cette érection en chargeant son vicaire de la réaliser. Ce dernier, J.M. Chauvin, fera preuve d'un prosélytisme à toute épreuve et se dépensera sans compter. Il réussira dans sa mission et sera le premier prêtre à officier dans cette nouvelle paroisse en 1868 alors même que l'édifice n'était pas terminé puisque « lorsqu'il faisait mauvais temps, il fallait ouvrir des parapluies dans l'église ». Il fallut, en effet, attendre encore deux ans pour que voûte et toiture soient réalisées.

... Ensuite, pourquoi pas une nouvelle commune ?
Quelques temps avant la création de la nouvelle paroisse, Nouël fait rédiger une pétition qu'il fait circuler sur la commune et sur laquelle on trouve les propos suivants : « Vous comprendrez sans peine, Monsieur le Préfet, que la rivalité et l'opposition augmenteront encore dès que ces deux populations si diverses ne formeront plus la même famille religieuse, et auront leur église à part. On peut craindre pour l'avenir, des conflits fréquents et regrettables dans les rapports des citoyens entre eux si l'on érige une paroisse à La Montagne sans y établir une commune ».
L'idée est lancée, il lui faudra un petit peu moins de dix ans pour aboutir. Mais que de conflits elle va générer, tant pour sa réalisation que pour les partages des biens qui devront s'ensuivre.

Quelques étapes-clés de cette création
C'est en Février 1875 que le Conseil municipal de St Jean de Boiseau sera amené à délibérer sur la demande d’ « un grand nombre d'habitants de la commune » pour créer la nouvelle entité administrative. Curieusement, cette demande fera l'unanimité au sein des élus. C'est dire l'état de tension qui existait à cette époque, tension qui fut telle que de 1870 à 1874 il n'y eut pas moins de... 4 élections municipales suite aux nombreuses démissions au sein du conseil.
De février jusqu'en juillet, 7 pétitions circuleront sur la commune, les passions se déchaînèrent alors avec une violence inouïe qui se répercuta à tous les niveaux.Tous les organismes donnèrent ensuite leur avis, certains même évoluant du tout au tout en fonction des données du moment. Ainsi si les élus locaux se prononcèrent, Conseil Général, Sous-Préfet, Préfet, Députés, Assemblée Nationale, Président du Conseil et même Mac-Mahon (président de la République) y allèrent chacun de leur littérature (Mac-Mahon se contentant de signer le décret (du 2 Juin 1877) qui instituait l'érection de La Montagne en commune indépendante.
Parmi toutes ces institutions, une commission chargée de représenter les intérêts montagnards réclama l'annexion de plusieurs villages à son profit et, prétextant que la cause de toutes ces luttes intestines était due à la création de l'établissement d'Indret, exigea également l'adjonction de cet établissement (qui dépendait d'une tierce commune sise de l'autre côté de la Loire) « et pour réussir ils demandent à être distraits de l'arrondissement de Paimboeuf pour être adjoints à celui de Nantes ». On ne recule devant rien.
Ouf, ça y est : On aurait pu croire que les passions allaient s'apaiser. Ce serait mal connaître nos ancêtres.
Ce sera le percepteur qui remettra le feu aux poudres deux mois seulement après la séparation. Effectivement, il n'a reçu aucune directive sur la manière d'arrêter les comptes de l'ancienne municipalité boiséenne qui se trouve amputée en plein milieu d'année de la moitié de son territoire. Le sous-préfet se gardera bien de prendre position à ce sujet et demandera des consignes à son supérieur. Ce sera assez facile à résoudre, mais quelques jours plus tard, le Conseil montagnard délibère et « Monsieur le Maire (Jean Violin, ancien maire de Saint Jean) pense qu'il ne serait pas facile de s'entendre à l'amiable avec le Conseil municipal de Saint-Jean-de-Boiseau et qu'il serait préférable que des experts fussent nommés à cet effet (partage des biens), ce qui éviterait toute contestation ».
A partir de ce moment, les atermoiements ne cessèrent de proliférer des deux bords. Il faudra attendre encore deux ans et demi pour qu'une solution soit trouvée. Tous les prétextes seront bons, y compris la manière forte (refus de laisser entrer des élus montagnards en cours de réunion à Saint Jean) pour essayer de tirer son épingle du jeu et de perdre le moins possible dans cette opération de partage. C'est un avocat nantais, Le Meignen, qui put permettre à la situation de se débloquer. Il était grand temps car les responsables départementaux avaient commencé à se poser la question : Oui ou non, a-t-on bien fait de créer une nouvelle commune ? C'est vraisemblablement cette menace qui fit que chacun finit par céder un peu de terrain.

Personne ne voulait revenir à l'ancienne situation.
D'où l'idée, d'apparence simpliste face au blocage de la situation, mais qui a une chance d'aboutir. Faisons une masse globale de tous les biens, y compris les édifices construits sur les communes, et partageons le tout en deux parties égales. Cette solution présenterait plusieurs avantages pour St Jean:
1°- Elle présenterait une porte de sortie qui éviterait tout procès qui « serait la ruine complète de ces deux communes et aboutirait fatalement à l'annulation du décret de séparation: les communes seraient réunies comme autrefois et ce serait déplorable à tous les points de vue ».
2 ° - St Jean récupérerait un certain nombre de compensations en numéraire puisque ses biens sont de moindre valeur que ceux de La Monatgne.
3° - Le partage par moitié serait avantageux pour Saint-Jean pour deux raisons supplémentaires :
a) un partage au nombre de feux pour les biens pénaliserait Saint-Jean puisque cette commune comporte 100 feux de moins que La Montagne.
b) un partage des dettes au prorata des contributions versées pénaliserait également Saint-Jean puisque cette dernière est plus imposée que sa rivale.
La solution est-elle trouvée ? Le 26 de ce mois de janvier 79, le Maire fait examiner par son conseil cette proposition qui trouve un écho favorable puisque l'unanimité moins une voix se fait pour le partage des biens par moitié. Pourtant sur les registres, sera rajoutée ultérieurement la mention « exceptés les terrains réservés pour les ports ». Quelqu'un eut-il des remords par la suite ? Ce jour-là, signe incontestable de radoucissement, une commission spéciale fut nommée pour estimer les valeurs à partager. Elle était composée de six membres : 3 conseillers municipaux et 3 gros contribuables.

Le partage des biens :
Celui-ci a effectivement lieu au début de 1880. Les deux experts rédigent le 5 janvier un mémoire fixant les modalités du partage à établir où de brèves observations préliminaires rappellent aussi succinctement que possible les principales étapes de cette longue et pénible transaction. Le principe du partage par moitié de l'actif et du passif y est développé.
Longue et pénible affaire, donc, que cette séparation. Officiellement commencée en février 1875, elle se terminera 5 ans plus tard après bien des déboires, bien des tractations

Guy Gruais




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