Accéder au contenu principal

Le travail de la vigne autrefois

 

Julien Durand habitait la Gautronnière et depuis quelques années il était résident à

la maison de retraite du Pé. Agé de 98 ans, il avait encore une bonne mémoire et voici le récit qu’il a fait sur le travail de la vigne qu’il a pratiqué durant sa vie professionnelle depuis 1920…
« On plantait la vigne en mai après avoir mis les pousses à nourrir dans des pots en carton pour qu’elles aient des radicelles. Les rangs étaient espacés d’un mètre vingt (entre les raises) et chaque cep d’un mètre.
La taille de la vigne s’effectuait en mars avec un sécateur. On laissait 5 à 6 bretelles (nœuds) et une queue de 30 à 40 centimètres de long que l’on attachait sur le fil, allant d’un bout à l’autre du rang, avec du raphia.
Le sarment était ramassé en tas puis mis en fagot. Il servait pour allumer une bonne flambée dans la cheminée de la cuisine.
En avril on labourait entre les rangs. Il existait deux types de charrues :
- une avec un socle à gauche
- une décavaillonneuse pour passer par-dessus les ceps. Cette dernière avait une barre à l’avant pour la guider au plus près des ceps. Il fallait que le cheval aille doucement.
Avant mes seize ans on faisait travailler les vaches et ensuite le cheval, plus performant, et il n’y avait pas à les traire. Dans la vigne on ne mettait pas d’engrais.
Puis ensuite on dépattait avec une pelle spéciale. Il n’y avait presque rien à faire mais comme cela on enlevait les mauvaises herbes et ça aérait le cep.
Ensuite on passait la houe, on était encore en sol plat. Vers le mois de juin, on ramenait une partie de la terre sur le cep et on faisait le sillon pour que l’eau s’écoule du champ.
A partir de fin juin, il fallait traiter la vigne. Tous les 15 jours on sulfatait si la température devenait trop sèche ou s’il y avait du brouillard. En cas de mildiou, on traitait tous les 8 à 10 jours. On faisait le traitement à l’aide de la pompe en cuivre « Vilmorin » sur le dos qui contenait 10 à 15 litres. On était trempés comme des canards et c’était fatigant.
Comme produit de traitement on utilisait le sulfate de cuivre, en pierre, qu’il fallait faire fondre pendant une à deux heures dans un sac avec en plus de la chaux grasse et du souffre. On soignait la vigne jusqu’à fin juillet… tant que ça pousse.
En août, il fallait préparer les barriques de 220 à 230 litres et les tonnes de 500 à 600 litres. Les barriques étaient bridées tous les ans à cause des cercles en bois qui se détendaient. Le tonnelier passait dans les caves pour les réparer puis on les souffrait.
Chez nous on avait un hectare et demi en vigne. Surtout des plants directs qui duraient moins longtemps que les plants greffés qu’il y a eu plus tard. On avait du Muscadet, de l’Othello, du Noah et du Gros Plan. Il n’y avait pas de label et ça ne rapportait pas beaucoup d’argent.
Vers la mi-septembre arrivait le temps des vendanges. Cela durait parfois jusqu’à la mi-octobre pour les plants tardifs. J’en ai même vu à la Toussaint, mais c’était rare.
On utilisait les basses, les portoirs et les baquets ; chaque vendangeur avait le sien. Les basses pleines étaient aussi appelées cotrets, il en fallait 6 à la barrique. Puis le raisin était pillé. Maintenant on ne l’écrase plus, il paraît que ça abîme la qualité du vin. Le pressage se fait en machine.
Ensuite la vendange était amenée au pressoir à long fût. C’était un sacré boulot, mais ça serrait bien. Il y avait une poutre au-dessus et une poutre au-dessous et entre les deux une vis en bois et un jeu d’aiguilles en bois. Il fallait compter 24 heures pour que le cep soit sec. Puis on coupait le cep avec un couteau de pressoir. Il fallait le couper 2 ou 3 fois. Plus tard sont venus les « Valins », des pressoirs plus mécanisés de capacité allant de 10 à 40 hectolitres.
Le vin récolté était ensuite mis dans les barriques, on disait entonner le vin. Là encore on était trempés comme des canards dans le transport des récipients. Vers l’âge de mes vingt ans, il y a eu les pompes à main plus pratiques.
Puis il fallait surveiller la cave et refaire le plein dans chaque barrique en raison des fuites. J’ai vu rajouter chaque semaine 1,5 litre par barrique, pendant plusieurs semaines, pour refaire le niveau. Les tonnes étaient plus économiques.
Vers 1925, on a commencé à mettre du sucre dans le vin. C’était une tolérance. Il y avait des contrôleurs qui passaient et on devait leur déclarer la quantité de sucre mis dans le vin.
Environ mi-janvier on filtrait le vin avec un mélange comportant de la farine et du blanc d’œuf. C’était pour éviter le dépôt.
Deux fois dans l’année, vers février mars, le vin était soutiré pour voir s’il était clair et éliminer le dépôt qui se trouvait au fond de la barrique (environ 1 à 2 centimètres).
Près de la Gautonnière, en Brains, il y avait une fontaine de 13 mètres de profondeur et c’est là que venait l’alambic pour distiller le vin.
Si on avait 1 barrique de lie (dépôt de vin), on pouvait obtenir par distillation, environ 30 litres d’eau de vie.
Il y avait deux qualités :
- l’eau de vie de première distillation d’environ 70° à 80°.
- l’eau de vie de deuxième distillation d’environ 55° à 60° est obtenue en rajoutant de l’eau à la lie de première distillation. Cette dernière était utilisée pour mettre dans le café ou soigner les vers des enfants.
Le vin récolté était d’environ 30 à 40 barriques pour chez nous. Le prix de vente de la barrique était de 70 francs en …. La mise en bouteilles se faisait en juin et juillet.

Interview réalisée par Thérèse Herfray et René Trouillard en fin d’année 2004



Posts les plus consultés de ce blog

Edmond Bertreux

  1 - Origine familiale Les ancêtres d’Edmond Bertreux, sont originaires de Saint Jean de Boiseau du côté paternel et de Bouguenais du côté maternel. Sa mère Marie, née David, est la fille d’un patron pêcheur des bords de Loire vivant quai de la vallée à Bouguenais. Paul David a été immortalisé devant sa maison, dans sa plate, par Pierre Fréor. Bien plus tard, Edmond, son petit fils, devenu peintre immortalisera sur de nombreuses toiles ce paysage bucolique du bas de Bouguenais.    Son grand-père paternel, Jean-Marie, habite le village de Boiseau en face de la place de la République où se trouve l’arbre de la liberté.   Lorsqu'il a fini sa journée de travail à Indret, il effectue des travaux agricoles dans sa vigne pour "mettre un peu de beurre dans les épinards". Son fils Jean, le père d’Edmond Bertreux, est dessinateur industriel aux Chantiers de la Loire à Nantes. Il est par ailleurs peintre amateur et se retrouve régulièrement à Saint-Jean-de-Boiseau pour y ex

Les mattaras : vestiges de l'âge du bronze

  A la place de l'actuel bourg de Saint-Jean, des objets en bronze furent retrouvés en un lieu appelé « le trait de la cour », dans le lotissement actuel des Violettes. C'est dans le courant du mois d'avril 1821 qu'un vigneron du bourg de Saint-Jean-de -Boiseau brisa avec sa houe, en travaillant dans sa vigne un plat de poterie commune recouvert d'une assiette de la même terre contenant huit instruments en bronze et longs de 6 pouces (162 mm). Le vase était encastré dans une cavité de rocher faite avec un outil aigu dont on reconnaissait les traces sur les parois. La pierre était de nature cornéenne, elle était désagrégée en fragments de diverses grosseurs. Le sol était recouvert de 9 pouces (250 mm) de terre végétale et planté de vignes. L'endroit où furent trouvées les armes dans le clos précité est appelé « le Fort Giron ». Cette parcelle se trouve en bordure de la route du bourg au Landas, (actuellement à partir de l'école privée des filles sur 75 m

Bénédiction des trois cloches

  Le clocher de l’église de Saint-Jean-de Boiseau retrouve son éclat, après une importante restauration. L’étage qui manque depuis la fin du XVII ème n’enlève rien à son intérêt. Sous l’habillage d’ardoises, une très belle charpente, a été visible quelques semaines par les habitants de la commune. Cette tour de bois massif, appelée beffroi sert à porter les trois cloches et limiter les efforts, qu’elles engendrent lors de leur fonctionnement, sur la maçonnerie. On ne les entend plus émettre les sons qui résonnaient autrefois pour annoncer les évènements, bons ou mauvais, qui marquaient la vie dans la cité. Pourtant elles sont toujours en état de fonctionner à l’aide d’un équipement électrique, mais aussi manuellement à l’aide d’une corde située dans la chapelle Sainte-Anne. Ces cloches ne sont pas les premières que le fier clocher abrite. En effet, avant la révolution il y en avait également trois dont nous avons connaissance grâce aux rapports des cérémonies de leur baptême.