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Ferdinand Pépin et sa famille

Le monument aux morts de la commune du Pellerin se situe au centre du cimetière,

Ferdinand second à gauche
dans le village. La face avant de ce monument est constituée par une sculpture : un poilu soutient un de ses camarades, blessé ou mort, à leurs pieds, les symboles de cette Première guerre mondiale : obus, fusil, casque. Sur les trois autres faces du monument, une longue liste des enfants de la commune, « morts pour la France » pendant cette « grande guerre », incroyablement meurtrière. 101 noms, 101 morts ou disparus.

Le dernier nom est celui de Ferdinand Pépin. Qui est-il ? quel âge avait-il ? quelle famille l'a pleuré ?

Grâce aux archives, nous pouvons remonter le cours du temps, retrouver la trace de la courte vie de Ferdinand, bien que des zones d'ombre persistent inexorablement.

Joseph Pépin et son épouse Justine Pouclet sont originaires de St Gilles-sur-Vie en Vendée. A la fin du XIXe siècle, ils s'installent dans notre région, sur la commune du Pellerin. Joseph est maçon et tailleur de pierres.

Leurs enfants naissent sur cette commune. L'aîné s'appelle Eugène et naît le 22 mai 1891. Un an plus tard, un second fils vient au monde, le 21 octobre 1892 : c'est Ferdinand.

Ils ont respectivement 12 et 11 ans lorsque leur petit frère, Charles, naît, le 18 février 1903. Enfin, en 1907, le 20 septembre, la benjamine, Hélène agrandit pour une dernière fois cette famille.

Un drame frappe cette famille le samedi 28 août 1909 : Eugène se noie dans le canal de la Martinière.

L'Express de l'Ouest, dans son édition du mardi 31 août 1909, nous relate l'accident :

LE PELLERIN - Noyé accidentellement
Eugène Pépin, âgé de 17 ans, ouvrier charpentier, travaillait aux estacades de la Martinière lorsqu'il tombé accidentellement à l'eau. Comme il se trouvait seul en ce moment, personne ne put se porter à son secours. Ce n'est que le soir, vers six heures, qu'on s'aperçut de sa disparition.
Le cadavre a été retiré vers huit heures du soir. Eugène Pépin était très estimé de son patron et de tous ses camarades.

La douleur des enfants fait sûrement écho à celle des parents. Pour Ferdinand, c'est sans doute encore plus dur : il est très proche de son frère en âge, ils ont choisi le même métier... Dorénavant, c'est lui l'aîné de la famille.

En 1913, Ferdinand a 21 ans, l'âge de partir au service militaire. Il est incorporé dans l'armée de terre le 8 octobre 1913.

Son livret militaire nous donne sa description physique : cheveux châtain foncé, yeux verdâtres, front moyen, nez rectiligne, menton fuyant, visage long. Il mesure 1 m 60.

A partir du 6 février 1914, sur la proposition de la commission de réforme de Cholet, il est classé dans un service auxiliaire pour cause de « rhumatisme chronique ».

Août 1914, c'est la guerre. Celle qui deviendra la « Première Guerre mondiale ». La mobilisation générale se met en place très rapidement. Les appelés du contingent, eux, sont déjà sur place ... leur « libération » s'éloigne. D'autant plus que, rapidement, les autorités militaires constatent que cette guerre risque, contre toute attente, d'être longue et meurtrière. Il leur faut absolument des soldats. Aussi, lorsque la commission de réforme de Cholet revoit Ferdinand le 9 novembre 1914, elle ne le juge pas assez malade pour être réformé, et elle le « maintien au corps ».

Six jours plus tard, le 15 novembre 1914, il rejoint le 77e Régiment d'Infanterie avec lequel il gagne le front. Un mois et demi plus tard, le 23 décembre, Ferdinand est blessé : il a reçu des éclats d'obus à la main gauche. Il est évacué du front le lendemain et est hospitalisé à Buchy jusqu'au 18 février 1915. Il est probablement en convalescence dans un autre hôpital jusqu'au 19 mai 1915, date à laquelle il rejoint le dépôt, complètement guéri.

Le 25 juin 1915, il a rejoint sa compagnie. Puis, le 20 janvier, il passe à la CHR, Compagnie Hors Rang.

En mai 1917, il est toujours dans le 77e Régiment d'infanterie, dans la 9e Compagnie, lère section.

Nous possédons 3 lettres qu'il a écrites à sa famille les 19, 20 et 21 mai.

Le 20 mai 1917

Ma chère Petite Hélène

Je profite d'un moment de loisir pour t'écrire quelques lignes. Pour te donner de mes nouvelles et en savoir des tiennes ainsi que de celles de la famille.
J'espère que vous êtes tous en bonne santé et que cela continuera. Je pense aussi que tu dois être la première à l'école et que tu ne dois pas faire de misère à maman plutôt tu dois l’aider.
Je suis toujours sans nouvelles de mon oncle ainsi que de Saint-Gilles, je laisse à croire qu'ils sont tous bien.
Quant à moi je suis toujours en bonne santé et me porte très bien. L'on s'est rapproché des lignes aujourd'hui et on y monte ce soir. L'on vient nous faire un petit discours qui nous faire guère plaisir. C’est que l'on est prévenu que demain soir on saute le parapet. Ils nous ont dits les avantages mais ils n'ont parlé de ceux qui reste à sécher sur le terrain. Faut espérer que j'en sortirai, je voudrai bien être trois jours plus vieux pour savoir ce qu'il en est. Je vous dirai que je n'ai pas touché mon mandat carte Je ne le toucherai qu'après le coup-fait. Ne me confiez pas d'argent ni de colis d'ici que j'aurai écris après l'attaque. On ne serait pourtant pas fâché d'aller à l'arrière pour nous nettoyer car on est dévoré par les poux. On n’a pas d'eau pour se laver comme il faut ... Ma chère Petite Hélène Je ne vois rien de plus à te dire tout ce que je te dirai de faire s'est d'embrasser Papa maman et Charles pour moi.

Ton frère qui t'embrasse de tout Cœur
F Pépin
Je te joint à ma lettre un petit bouquet de Muguet des tranchées pour souvenir

La lettre écrite à sa sœur Hélène, est la plus longue et la plus sincère. Il semble très proche de cette petite sœur qui n'a que 10 ans à cette époque. Il est visiblement en confiance et lui raconte ses tourments : il a peur de l'assaut prévu pour le lendemain soir. Il a trop vu de camarades tomber sous les balles et les obus ennemis, trop vu de camarades agoniser seuls dans les fils barbelés lors d'un assaut vers les tranchées allemandes. Il sait que dans ces cas-là, il n'y a pas de secours à attendre : toute personne s'approchant de ces blessés à terrain découvert est immédiatement abattue par les soldats « d'en face ». Il est également amer face aux officiers et autres autorités militaires qui leur parlent des « avantages » d'une attaque mais ne parlent jamais de ceux « qui reste à sécher sur le terrain ».

Le 19 mai 1917

Chers Parents
Deux mots pour vous donner de mes nouvelles et en savoir des vôtres. J'espère que vous êtes toujours en bonne santé. Je suis sans nouvelles de la famille.
Quant à moi Je me porte toujours bien et me fais pas trop de mauvais sang. L'on est pour l'instant au repos. Mais l’on s'attends à remonter d'un moment à l'autre pour la fête que voulez-vous Je ne m'en fait pas Embrassez Charles et Hélène pour moi.

Votre fils qui vous embrasse

F. Pépin

A travers ces lettres, Ferdinand apparaît comme un homme doux, romantique, il envoie à sa sœur un bouquet de muguet des tranchées, attaché à sa famille et soucieux des autres. Il s'inquiète de la santé de tous y compris de la famille qui réside à Saint-Gilles-sur-Vie.

Le 21 mai 1917

Chers Parents
Je fais réponse à vos lettres du 17. 18. et 19 que j'ai reçues hier. J'ai été content de vous savoir tous en bonne santé Je pense que cela continuera.
Quant à moi je me porte toujours bien. L'on est en ligne de ce moment
J'ai reçu un colis de mon oncle hier mais pas de lettre
Vous m'excuserez de ne pas en écrire plus long
Embrassez Charles et Hélène pour moi.
Votre fils qui vous embrasse

F. Pépin

Mais par-dessus tout, Ferdinand tient à protéger ses parents. Le ton des lettres qu'il leur adresse est bien différent de celui qu'il emploie pour parler à sa sœur. « Je ne me fais pas trop de mauvais sang », « je ne m'en fait pas » ... Il ne veut pas les inquiéter, et leur cache son inquiétude grandissante à mesure que cet assaut du mois de mai approche. Il tait également sa lassitude des combats, de la guerre en général, des conditions de vie si éprouvantes dans les tranchées.

Par déduction, on peut aussi en conclure qu'il a une très grande confiance en sa petite sœur, malgré son jeune âge, car il n'est pas prévu qu'elle montre à leurs parents cette lettre d'un Ferdinand si tourmenté.

Ferdinand ne s'était pas trompé. Il disparaît le 22 mai 1917 dans les combats au sud-ouest de Coberny, dans l'Aisne. Son corps n'a pas été retrouvé, aussi est-ce le tribunal civil de Paimboeuf qui, en date du 5 octobre 1921, fixe officiellement la date de son décès.

Quelle douleur pour cette famille ! Perdre de nouveau un fils aussi jeune - il n'a que 25 ans - après l'avoir vu supporter pendant près de trois ans les misères de la guerre... De plus, hasard ou fatalité, le sort a voulu que Ferdinand meure le jour de l'anniversaire de son frère aîné Eugène, rendant encore plus inacceptable, pour les parents, cette mort.

Pauvre petite Hélène qui n'a pas retrouvé ce grand frère qui l'aimait tant !

Heureusement pour Joseph et Justine, il leur reste leurs deux plus jeunes enfants. Hélène est bonne élève et décroche son certificat d'études à 11 ans, en mai 1918, triste date d'anniversaire .

Le 27 avril 1923, Ferdinand reçoit à titre posthume la Croix de guerre avec étoile de bronze.

Ministère de la guerre République Française

MEDAILLE MILITAIRE
77e Régiment d'Infanterie

Par arrêté ministériel du 15 Mars 1923
Rendu en application des décrets du 13 août 1914 et 1er octobre 1918, publiés au journal officiel du 16 avril 1923 la Médaille Militaire a été attribuée à la mémoire du (2) soldat PEPIN Ferdinand Marcel

Mort pour la France Le 22 mai 1917

(2) Brave soldat tombé glorieusement pour la France le 22 mai 1917 à Coberny en faisant vaillamment son devoir.
Croix de guerre avec étoile de bronze.

A Cholet, le 27 avril 1923

Le lieutenant-colonel
commandant le 77e Régiment d 'Infanterie

Charles, le dernier garçon de la famille a vieilli. Il est dessinateur et ajusteur aux Ateliers des Coteaux, au Pellerin. Dans ces Ateliers, les surnoms sont de rigueur et celui de Charles est vite trouvé, ce sera « loupette », en souvenir d'une réponse mémorable qu'il avait fait, petit, à son enseignant qui lui demandait le nom de la femelle du loup ! Des années plus tard, son neveu qui lui ressemble beaucoup, héritera du surnom lorsqu'il entrera lui-aussi aux Ateliers des Coteaux.

Bientôt Charles atteint l'âge de faire son service militaire. Heureusement, les temps ont changé et nous sommes en temps de paix. Il demande à partir dans la région parisienne pour se rapprocher de son amie qui travaille à Paris.

Il se retrouve 2ème classe au 22e Bataillon d'ouvriers d'artillerie.
Lors de son départ, il emmène avec lui, tous les papiers relatifs à la disparition de son frère Ferdinand. Il espère ainsi avoir l'occasion de trouver sa tombe. Malheureusement, il n'aura sans doute pas l'occasion de mener à bien ces recherches car, il tombe malade. Le 13 décembre 1923, il est hospitalisé à l'hôpital militaire Begin Saint Mandé, dans le département de la Seine, pour une pleurésie. Il y décède le 1er janvier 1924 à 22 h 15. Il n'a que 21 ans.

Justine décède le 15 septembre 1929. Son mari Joseph, désespéré par la disparition de son épouse, ne lui survivra que quatre mois.

Le sort semble s'être acharné sur cette famille : Joseph et Justine ont perdu leurs trois fils, jeunes, dans des circonstances, certes différentes, mais tout aussi dramatiques les unes que les autres. Aucun n'était marié, n'avait d'enfants. Aussi le nom de Pépin a-t-il disparu de la commune du Pellerin. Hélène en se mariant et en ayant des enfants, a créé une autre famille.

Cependant, par son sacrifice, Ferdinand est devenu un symbole pour sa commune, comme tous ses camarades tombés pour leur pays, et leurs noms gravés dans la pierre ne seront jamais oubliés.

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