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Jean-Baptiste Gérard premier garde-champêtre

 Premier garde champêtre après la Révolution Française au bourg de Boiseau

Un décret d’août 1789 abolit le droit exclusif qu’avaient les seigneurs sur la chasse et la pêche. Mais très vite on s’aperçoit qu’il y a des abus à cette nouvelle liberté et le 30 avril 1790 on réintroduit une surveillance des campagnes par des gardes communaux. Mais ces derniers n’ont le droit de poursuivre l’infraction que si le propriétaire porte plainte. La mission de nos gardes est impossible et très dangereuse. Les conseils généraux des communes en font part aux autorités départementales en leur demandant de réagir.
Très vite après la Révolution, une nouvelle loi est votée par l'assemblée thermidorienne : celle du 8 juillet 1795 (Messidor an III) qui définit le statut du garde champêtre, le rendant entre autres obligatoire dans toutes les communes rurales de France et établit des critères de recrutement précis.
Les gardes champêtres doivent avoir au moins 25 ans, savoir lire et écrire, avoir une bonne condition physique, faire partie des vétérans nationaux ou des anciens militaires pensionnés ou munis de congés pour blessures. Ils sont choisis par les maires, qui soumettent leur choix au conseil municipal et en donne avis au sous-préfet de leur arrondissement. Le garde champêtre doit prêter serment devant le juge de paix du canton de veiller à la conservation de toutes propriétés qui sont sous la loi publique et de celles dont la garde leur est confiée. Il devient un agent de la force publique par son inscription au registre de la gendarmerie qui peut le requérir et avec qui il partage une mission de police commune : la surveillance des campagnes.
Une demande formulée par les hautes autorités de l’Etat et retransmise par le comité de Nantes à l’assemblée primaire du Canton du Pellerin, demande que des gardes champêtres soient affectés dans toutes les communes. Monsieur le maire de Saint-Jean-de-Boiseau poussé par les propriétaires terriens de la commune, qui constatent des vols et en accord avec le conseil municipal, fait une demande auprès des autorités qui souhaitent que la loi soit appliquée.
Les communes doivent avoir un garde champêtre. Malheureusement, toutes les conditions d'embauche limitent considérablement le nombre de candidats potentiels, mais surtout, le métier de garde champêtre est très mal rémunéré. En juillet 1797 le premier garde champêtre de la commune arrive et se présente à Monsieur le Maire Pierre Blanchard : Jean-Baptiste Gérard, âgé de 41 ans.
Jean-Baptiste est né vers 1756 dans une famille d’honnêtes laboureurs de la commune de Thulin, département de Jemmapes en Belgique (le département français de Jemmapes est le nom donné au comté du Hainaut pendant les périodes d'occupation et d'annexion par la France avant la révolution). Engagé dans l’armée à Paris (la garde nationale), il y habite pendant 16 ans avant l’époque difficile du 14 juillet 1789. Après avoir pris part au siège de la Bastille, il est chargé de différents ordres, l’exactitude et le zèle qu’il a mis à les remplir, prouve qu’il en était digne, et l’attestation qu’on lui a donnée est la certitude qu’il a fait son devoir.
Il est nommé par ses chefs pour accompagner le citoyen Julien Minée dans son voyage. Ce prêtre sous serment civique, curé de Saint Thomas d’Aquin à Saint Germain, a été nommé évêque assermenté pour la Loire-Inférieure en remplacement de l’évêque Charles-Eutrope de la Laurence qui a refusé le serment de la Nation. Jean Minée est né à Nantes et il a fait son noviciat à Paris. Jean-Baptiste l’accompagne de Paris à Nantes en 1792 comme garde particulier. Immédiatement après son arrivée, il trouve une place comme employé-concierge et distributeur des comestibles, de la commission civile près de l’armée de l’ouest. Le 15 prairial de l’an 05 (3 juin 1797). Il vient d’apprendre que l’on cherche des militaires pour la fonction de garde champêtre pour des communes de Loire-Inferieure qui ont fait une demande auprès des autorités du département.
Avec l’estime de ses chefs, il fait une demande. Il est nommé garde champêtre de la commune de Boiseau. Il a trois enfants, dont deux en bas âge de son deuxième mariage. Son premier fils est grenadier au service de la patrie depuis 8 ans, demi-brigadier de ligne à Mâcon. Il est chargé de la surveillance de Boiseau (car à la Révolution le nom Saint-Jean-de-Boiseau disparaît et est remplacé par Boiseau, plus de Saint-Jean). Son secteur se limite à la grand’route de Nantes à Paimboeuf, au levant la commune de Bouguenais Roche Balue et au couchant la route du Pellerin à Cheix et le nord de la Loire, car il faut surveiller les propriétés de roseaux sur les iles de Loire. Son salaire a été fixé à 25 livres par mois. Mais à peine arrivé les problèmes commencent. La municipalité qui devait lui fournir un logement gratuit, le laisse chercher lui-même ce logement pour lui et son épouse et leurs deux jeunes enfants. De plus il doit payer son loyer. La municipalité ne veut pas héberger de fonctionnaire de l’Etat à ses frais. Le commissaire Saint qui surveille les gens du Pellerin et de Boiseau écrit dans un de ses rapports aux autorités révolutionnaires de la commission de Nantes : ... cet établissement déplaît et gène la plus grande partie, pour ne pas dire tous les habitants de cette commune, il parait qu'ils sont convenus de ne pas lui procurer un logement, et pour se moquer de lui ou masquer leur conduite, on lui demande 130 livres par an pour deux chambres auxquelles n'est attaché ni jardin, ni terre quelconque.
Il n'y a pas de doute que les habitants sont coalisés pour refuser une habitation à ce fonctionnaire public, croyant que par cette ruse, elle va éloigner ses surveillances de leur fraude et dilapidation rurale. Ils font de même pour le douanier qui s’y installe. Les habitants de Boiseau n’aiment pas trop que l’on regarde de près leurs activités et ils ne veulent pas que la Révolution les prive de leur droit et souhaitent continuer comme par le passé. La Révolution ne les intéresse pas. A la Fête de la Mort du dernier tyran, notre garde champêtre signe un procès-verbal, avec tous les fonctionnaires de l’administration du canton du Pellerin, à la chapelle Saint-Antoine qui est la maison du peuple du canton du Pellerin. Celui-ci nous dit : je promets d’être fidèle à la constitution et à la haine des royalistes.
Le 15 ventôse de l’an 7 Le commandant Lehure du Pellerin qui est responsable du canton, lui fait signer un document déclarant que le citoyen Gérard accepte le traitement convenu avec les autres gardes champêtres nommés pour le canton du Pellerin. La préfecture ayant accordé aux gardes champêtres 150 livres et le surplus en fonction des commissaires des cantons il déchante et il s’en plaint. Il ne peut plus faire face pour nourrir sa famille. Mais personne ne vient lui porter un peu d’aide. Par contre Le commissaire Saint laisse faire car depuis un certain temps il surveille les habitués de la Cruaudière dans la demeure de la famille La Ville Leroux car on reçoit ici des artistes, des hommes de lettres, des poètes, des politiques. Voyant la situation du garde champêtre et de sa famille, Mlle de La Ville Leroux qui est la propriétaire de la Cruaudière, écrit une lettre en 1799 au préfet pour exprimer son indignation : Expose que c’est avec une âme pénétrée des douleurs de sa misère affreuse, il m’est dans le cas de vous demander justice... ! Un coup d’arrêt à ce tableau ; citoyen, Magistrat, Eclaira votre religion sur des objets qu’exigent votre amour d’ordres paternelle, comme l’humanité.
L’exposant est sans vêtements, pas de pain ordinairement des jours entiers ! Ses enfants et son épouse, nus ! c’est au hasard et à la commisération d’un ou deux individus peu aisés qu’il doit quelque fois le nécessaire qu’exige l’existence de ceux qui l’entoure ! La disette qui l’accable résulte de ce que pendant les 22 derniers mois écoulés, il n’a reçu que 182 livres tandis que son salaire est de 25 livres pour chaque mois, fixés par la commission dont il est porteur. Expédiée le 12 prairial ans 5 (1797) par l’administration centrale du département de la Loire Inférieure. Il est évident que ce n’est qu’avec une minutieuse économie, étant même payé exactement tous les trimestres qu’il aurait pu élever sa naissante et malheureuse famille… ! Les soins actifs et constant qu’exigent son emploi à la surveillance des propriétés rurales, d’une commune ou la population excède quinze cents individus, dont les deux tiers sont propriétaires, ne lui permettent pas d’employer aucun autre moyen de travail pour améliorer son sort. Il a même été forcé de se servir, pour se loger, de la faute habitation qui exista dans la commune, lors de son arrivée et qu’il doit payer 120 livres annuellement ! C’est donc d’une ridicule et absurde injustice.
Au commandant Lehure, ex-président de l’administration municipale du Pellerin, d’avoir imaginé que des gardes malheureux pères de famille, pouvait et devaient vivre avec la moitié moins de salaire qu’avaient fixés les administrations qui l’avaient précédés, d’ailleurs, dit-il, « les gardes sont mutilés, dans ce cas il fallait les payer et renvoyer » c’est qu’il y eut été une faute politique… Quoi qu’il en soir.
Quant aux habitants de Boiseau, ils ont appris à le connaitre et maintenant il fait partie de la commune. Ils écrivent une lettre commune au sous-préfet de Paimboeuf, le 1er juin 1800.
Nous soussignés, habitants et propriétaires de la commune de Saint-Jean-de-Boiseau, déclarons que le citoyen Jean-Baptiste Gérard, garde champêtre de cette commune, depuis le quinze prairial an cinq, jusqu’à ce jour, s’est comporté en zélé citoyen, fait pour la surveillance des propriétés rurales. Fait comme sergent de la garde nationale compagnie de l’Est, sédentaire de la commune. Ayant son épouse, deux enfants en bas âges est dans l’absolu démuni de moyens d’existence, qu’il est urgent de le faire salarier de ce qui lui est dû. Conformément à la commission qui le désigne garde champêtre de cette commune. A Boiseau le sept prairial an huit (1800) de la République Française, une, indivisible.
Aucun rapport dans archives ne nous relate sa fin de carrière sur la commune de Boiseau.
Jusqu'en 1820, la nomination des gardes champêtres suit des modes variées comme en témoigne un rapport adressé au Comité de l'Intérieur et à Louis XVIII le 30 août 1820. Ce sont tantôt les conseils municipaux, tantôt les maires qui les installent. Il en suit des relations diverses entre les gardes et les autorités locales. Le préfet des Hautes-Alpes se plaint le 7 août 1820 au directeur général de l'administration départementale et de la police de cette situation. D'après lui : les gardes champêtres nommés par les communes sont souvent révoqués par le caprice ou par le mécontentement de quelques conseillers municipaux. Il termine en déclarant que : c’est précisément dans les communes les moins éclairées qu'ils sont le plus livrés à l'arbitraire des fonctionnaires locaux. En revanche, il lui semble utile de généraliser la délivrance d'une commission par le sous-préfet et de donner le pouvoir de révocation au préfet. L'ordonnance du 29 novembre 1820 est le fruit de ces remarques. Le choix revient au maire, qui présente au conseil municipal le candidat au poste de garde. Le sous-préfet le commissionne et seul le préfet peut le destituer. Il s'agit de clarifier le mode de nomination et non d'envisager une réforme d'envergure qui nécessiterait un examen aux Chambres. Très peu peuvent vivre avec leur salaire et beaucoup font un double travail quand ce n’est pas du vol ou du braconnage ou mieux des infractions qui vont directement dans leurs poches. Il est vrai qu’en France, on trouve des gardes champêtres qui ne gagnent que 10 livres, ils ont un deuxième emploi. C’est le cas du citoyen Quirion de Boiseau, mal payé, qui demande une augmentation de O,50 francs par infraction. Accord du maire et de la municipalité, mais l’augmentation des délits et les non-déclarations de certains délits font qu’il sera envoyé devant la justice en 1844 et il est chassé de son poste. Il est remplacé 10 août 1859, par Jean-Baptiste Cayrol gendarme en retraite de 49 ans et employé de bureau à Indret. Il a été licencié de son poste d’employé de bureau pour compression de personnel. Le maire Mocquard va le suspendre rapidement pour négligence envers les propriétaires, absence de contravention, refus d’obéir à la municipalité et ivrognerie. Le conseil de la commune refuse de signer pour son salaire. Révoqué par le préfet en 1860 il remplacé par le sous brigadier des douanes du Pellerin Henri Lebare, né à Malville, à qui aussi on supprimera le salaire pour fautes graves. Puis en 1872, on note, Jean Marie Harel, ancien militaire de l’Etablissement d’Indret proposé par le maire.
Puis Pierre Mayence en 1917 qui est mutilé de la guerre 14-18, amputé d’un bras. Sa femme est épicière avec deux enfants en bas âge. Le sous-préfet en avise le préfet dans une lettre confidentielle pour signaler qu’il touche plusieurs salaires.

Jean-Yves Grollier

Note : La source principale de cet article : ADLA de Nantes et photos Internet



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