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L'abbé André Rucher



Homme de vocation

André est né le 15 mai 1902, d'Emile Rucher âgé de 37 ans et de Louise Mercereau âgé de 26 ans, dans une famille aisée du vignoble à Saint-Philbert-de-Grand-Lieu. Au foyer il y a aussi une fille, Alice plus âgée de quelques années.

André est élevé dans la pratique de la religion et des principes de la bourgeoisie. Pourtant la situation de la famille Rucher va beaucoup se détériorer quand l'épidémie de phylloxéra ravage le vignoble. Ruiné, Monsieur Rucher est contraint de se reconvertir comme maçon dans une entreprise nantaise. La famille vient s'établir dans le quartier Saint-Félix.

Elève studieux et intelligent le jeune André est remarqué par le prêtre enseignant qui lui fait la classe. Après sa communion il rejoint, à 12 ans, le petit séminaire de Nantes. Il y reste jusqu'en 1922 soit huit années dans cet établissement où il obtient son baccalauréat ès-lettres. Il a la vocation et veut consacrer sa vie à Dieu ; il entreprend, alors, des études théologiques au grand séminaire des Couëts jusqu'en 1929. Entre temps, en 1923, il effectue son service militaire. Afin de payer ses études au grand séminaire il exerce les fonctions de précepteur dans des familles de l'aristocratie du Sud-Loire, chez Monsieur De Grandmaison entre-autres. Il gardera de cette fréquentation, un penchant pour la haute société.

Après avoir prononcé ses vœux, le 15 juillet 1929, il est nommé vicaire-instituteur à Touvois en octobre de la même année. Puis en octobre 1934 il est professeur de IVème A, au petit séminaire des Couëts et de la classe de la IIIème A, en 1936. Il est ensuite affecté temporairement à Chéméré. C'est là qu'il exerce pour la première fois en tant que prêtre. Pendant cette période, il vient une première fois à Saint-Jean-de-Boiseau en 1937 pour une communion solennelle. Le 5 août 1939, il est nommé vicaire à Saint-Félix.

Curé de Saint-Jean-de-Boiseau

Des débuts remarqués

Le 19 novembre 1945, il y est nommé abbé de Saint-Jean-de-Boiseau, en remplacement du curé Duval qui rejoint Saint-Martin de Chantenay. Pendant un quart de siècle, il va diriger la paroisse d'une main de fer. Il est accompagné de sa mère qui ne comprend pas que son fils puisse venir « s'enterrer dans un tel bled ». Par son comportement, cette dernière ne facilitera pas l'intégration du brave curé. En effet, il vient de quitter une paroisse aisée et un logement confortable muni du téléphone pour un presbytère vétuste, mal chauffé et dépourvu de confort. Il sera contraint d'y faire installer le chauffage. Plus tard il hébergera sa sœur veuve et malade à la cure. C'est d'ailleurs là qu'elle décède.

André Rucher est un homme de contact. Peu après son arrivée dans la commune, il rencontre chez eux pratiquement tous ses paroissiens. Avec son vélo, par tous les temps, il sillonne Saint-Jean pour porter la « bonne parole ». L'homme est rude, parfois brutal dans son langage, ce qui heurte quelques fois les fidèles.
Alain Ordrenneau se souvient également :
C'était en 1950 ou 51. Je fréquentai à l’époque l'école Saint-Marc. Le curé Rucher y venait quelques rares fois faire un exposé sur un thème religieux et une fois par an recevoir nos vœux pour là Saint-André, son saint patron.
Ce jour-là, il traitait des sacrements de l'église et notamment de l'interdiction faite aux catholiques de ne pas manger de viande le vendredi. Il y a de cela bientôt 60 ans et j'allais vers mes douze ans pourtant je me souviens de ses propos qui n'étaient pas de mise à cette époque : « De celui qui mange sur son chantier un morceau dur comme une semelle ou de celui qui bien attablé déguste son merlu beurre blanc où est le péché ?».
Voilà un trait de son anticonformisme et son sens des réalités.

Sans se formaliser avec les habitudes et les règlements, il décide de changer ce qui l'indispose, pour mettre tous les pratiquants sur un même pied d'égalité.

Pour ces actions il sera, bien aidé par l'abbé Guiheneuf, qui s'implique énormément auprès de la jeunesse. Celui-ci succède aux abbés Jouneau et Rohars qui avaient assisté le curé Rucher au début de son sacerdoce à Saint-Jean. En 1948 il lance les grandes Fêtes du Pé, managées par son jeune vicaire.

Parmi ses premières décisions il faut mentionner :
- La suppression de la quête pour les chaises ainsi que leur location annuelle aux familles aisées. Elles sont disponibles pour tous. Donne qui veut.
- L'abolition des classes pour la célébration des mariages et des enterrements.

Les années 50-60

En 1949, devant la demande des paroissiens de Boiseau, il entreprend la construction de la chapelle de Boiseau et ceci, contre la décision de l'Evêché qui avait mis son veto à cette construction. Il paye de sa personne en participant lui-même aux travaux.

Dans les années 1950-60 il supprime les Rogations et la procession du mardi de Pâques à la chapelle de Bethléem. Il célèbre une messe à l'église en remplacement.

C'est aussi, avec Pierre Gauthier et Jean Chagnas, l'instigateur de l'arrivée de la banque du Crédit Mutuel à Saint-Jean en 1959. Les réunions se tenaient à la cure, puis un local sera acheté rue de l'Egalité. Le premier secrétaire sera Jean Chagnas, puis Pierre Gauthier pendant de nombreuses années.

Ses sermons sont vivants. René Gendronneau les appréciait : car ils étaient toujours exprimés dans un langage direct et en rapport avec les problèmes de ses paroissiens. Certaines de ses homélies étaient très virulentes, principalement celles adressées aux hommes dont la conduite n'est pas honorable... Ils en prenaient pour leur grade. Il utilisait toujours des exemples vécus pour étayer son discours.
Avec sa 2 CV il parcourait tous les villages pour être proche de ses fidèles.
Sa porte était toujours ouverte à tous et nombreux étaient ceux qui venaient lui demander conseil. Il y avait souvent la queue devant sa porte et Madame Renaud, sa bonne, tentait tant bien que mal de filtrer les consultations. Son jugement était considéré comme très sage. Chacun pouvait lui ouvrir son cœur et évoquer ses difficultés. Tous savaient que l'on pouvait compter sur son aide et plusieurs habitants de la commune lui doivent leur emploi à l'arsenal dTndret où il avait quelques relations. Au fil des années passées dans la paroisse, il connaissait presque tous les habitants. Son engagement et sa foi le faisaient parfois dériver vers des actions qui dépassaient son ministère. Combien de mariages n'a-t-il pas « organisés » pensant faire le bien des futurs époux...

Mais tous ne gardent pas que de bons souvenirs car il froisse ainsi quelques fidèles par ses emportements. A titre d'exemple voici un témoignage qui démontre certains traits de sa personnalité.

L'un lors d’un baptême : Sa belle-mère était la marraine. Elle n'avait pas ses lunettes et ne pouvait lire les textes relatifs à la cérémonie. Le curé excédé de cette situation lui arracha le livret des mains et le jeta à terre. C'est une autre personne de la famille qui le ramassa et qui en fit la lecture à la place de la marraine.

Un autre témoigne de ses qualités d'homme.
« Mes parents n'étaient pas des cléricaux et ne fréquentaient pas l'église. Pourtant ils étaient très amis avec le curé Rucher qu'ils considéraient comme un homme bon. Lorsque mon père est tombé malade, le curé passait régulièrement à la maison pour prendre de ses nouvelles. Rucher arrivait avec sa moto à courroie. Mon père le provoquait et lui disait : Dieu n'existe pas ! Tenez, prenez la revue La Croix de 19.., voyez ce qu'il y est écrit... Et la discussion devenait oiseuse. Mon père s'est fait enterrer civilement car ce n'était ses idées, mais il avait de l'estime pour Rucher.
Quand le brave curé s'est retiré à Saint-Herblain, j'allais lui rendre visite avec ma cousine lucette.

Chaque année il fait le bilan de ses actions en chaire et évoque les problèmes de la paroisse.

En juin 1952, il décide de célébrer la fête-Dieu, non pas devant le reposoir de l'église, mais à La Télindière. Il motive ses paroissiens pour édifier le reposoir place des Acacias près de la Fontaine où sera célébrée une messe. Le cortège se rend ensuite au Pré Commun, devant Bikini, où une nouvelle célébration a lieu sur une toue décorée de roseaux. L'autel est sur le toit de la cabane et le Saint-Sacrement le long du mât. Une flottille de petits bateaux de pêche, pavoisés de drapeaux multicolores, entoure l'embarcation. Des haut-parleurs transmettent aux paroissiens restés sur la berge, avec les choristes, les paroles de l'officiant. Cette Fête-Dieu marquera le souvenir des habitants de la commune, même parmi les non pratiquants venus en curieux.

En juin 1956, il procède au remplacement du tableau, représentant Saint-Jean-Baptiste baptisant sur les bords du Jourdain, offert par l'abbé Pilard en 1808. Complètement noirci par la fumée des cierges et malgré les tentatives de « décapage » entreprises avec de l'eau-de-vie, le tableau du chœur est très dégradé. C'est Marcel Denaud, chaudronnier à Indret, qui réalise celui qui est actuellement dans l'église. Pour immortaliser le personnage du saint, il demandera à Joseph Herfray (Hé oui !) de servir comme modèle. Ainsi, à travers cette fresque, notre cher JoJo surveille-t-il constamment les fidèles...

En octobre 1961, il effectue une bénédiction de l'école Saint-Marc qui vient d'être agrandie de quelques classes en préfabriqué.

Un homme de foi

André Rucher est un curé imprégné de la foi qu'il veut faire partager à tous les habitants de Saint-Jean. Deux lettres écrites en 1956 à un ami non croyant témoignent de son raisonnement :
« Le monde n'est pas beau, que chacun dans sa sphère fasse le maximum de bien, qu'il arrache toute haine de son cœur et tout ira mieux…. Tu penses que je te considère comme un être dangereux et que je multiplie prières et signes de croix en t'écrivant. Non, tu es mon frère, tu es plein de bonnes intentions, tu es de bonne foi. Je ne voulais pas te peiner…Mais dans tes lettres tu mets une telle passion, de hargne dans tes accusations qu'on est bien excusable d'y voir de la haine. En haïssant ce que tu appelles « le mensonge » et la « tyrannie » de l'Eglise, tu dois bien haïr l'Eglise et ses ministres. Réfléchis bien aux sentiments éprouvés…qui ne sont peut-être pas toujours conscients, entraîné que tu es par la passion de ce que tu crois le bien. Mon cher Cary, je ne te repousserai jamais ; je t'accueillerai toujours et très sincèrement en ami…
Concernant le célibat…le célibat ecclésiastique est, à mon avis, d'après mon expérience personnelle, une nécessité.
1 - Si marié, le prêtre devrait d'abord penser à sa famille, il ne pourrait pas tant se donner.
2 - les ressources paroissiales seraient insuffisantes pour faire vivre le foyer.
3 - le prêtre nuit déjà à son ministère par les travers de son caractère. Les travers, les animosités de son épouse et de ses enfants y ajouteraient encore.
4 - le contrôle de sa femme {les femmes sont curieuses) enlèverait une partie de la confiance qu'on donne au prêtre et au confesseur… II faudrait une femme parfaite... Or l'amour est aveugle dans son choix.

Le concile de Vatican II

Une période importante de la vie religieuse de Saint-Jean va se dérouler durant son mandat : ce sont les réformes du concile de Vatican II en décembre 1965 qui entreprend les réformes suivantes :
- Abandon du costume ecclésiastique
- Liturgie en français à la place du latin.
- Chants d'expression plus modernes et en français, dirigés par des laïcs, femmes incluses.
- Le célébrant ne doit plus tourner le dos aux fidèles. C'est ce qui oblige aux transformations de l'autel qui est remplacé par une table de marbre, provenant de la chapelle de Boiseau désacralisée, et à la suppression de la grille du maître autel. Il faut signaler qu'avant le concile le curé Rucher avait déjà institué les chants religieux et les enterrements en français. Il adressa un rapport dans ce sens à l'évêché à l'intention du Vatican.

En accord avec cette réforme, André Rucher donne l'ordre à Roger Martin de démonter de casser la chair de l'église. Il fait enlever les confessionnaux, qu'il relègue dans un coin de l’église, et supprimer la grille du maître autel. Elle servira de balustrade au balcon de Georges Beillevert. Toutes ces transformations heurtent une partie des paroissiens.

Diminué, incompris et désormais seul, il demanda sa mutation. Le 11 juillet 1970, il est affecté comme aumônier à la communauté des sœurs « Agneau de Dieu » près de la paroisse Jeanne d'Arc de Nantes à la Garotterie. Il sera remplacé par l'abbé Siloray. Pour son départ une petite délégation lui offrit un tableau représentant le bourg de Saint-Jean, vu de la combe de Béthélian et réalisé à son intention par Edmond Bertreux. Démissionnaire fin 1980, très malade, il se retire à la maison du Bon Pasteur. C'est là qu'il est décédé le 23 avril 1981. Il est enterré avec sa sœur et son beau-frère dans le cimetière de ce Saint-Jean qu'il avait tant aimé.

André Rucher était un "personnage", "un homme de caractère" dirons-nous. Il a marqué de sa présence près d'un quart de siècle notre commune. Si ses actions étaient partagées par une large majorité de paroissiens, le souvenir que ses anciens paroissiens gardent de lui est divisé.

- Il y a ceux qui le considèrent comme un homme simple, économe qui menait une vie réservée. Il n'aimait pas les agapes et avait peu de contact avec ses confrères des paroisses voisines. Il préférait un pique-nique dans le calme de la campagne ou au bord d'une rivière avec un couple de paroissien.

- d'autres en ont cependant gardé quelques amertumes. Son penchant colérique, dont il usa, parfois, dans l'exercice de son sacerdoce, engendra des ressentiments, aujourd'hui encore, bien vivants dans les mémoires.

Avant de quitter la commune il posa cette question à René Gendronneau. D'après vous ai-je bien rempli ma mission ? Une question qui le tracassait, lui l'homme qui avait voué sa vie à Dieu. Comment répondre par la négative après vingt-cinq années passées au service des autres... même si son âge et sa santé lui auraient permis de se retirer dans de meilleures conditions deux années plus tôt.

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