Le manoir de la Cruaudière :
Les premiers occupants que l'on connaisse de cette demeure vivaient au début du XVII° siècle. Ils étaient en fait des descendants des seigneurs de Machecoul. Ces nobles disposaient de nombreux biens dans la région et détenaient entre autres le domaine de Bougon dont dépendait La Cruaudière.
Ce manoir passa entre de nombreuses mains au cours des décennies suivantes. En 1765, il est acquis par Simon Phelippes, riche négociant qui pratique le commerce du sucre avec ses plantations de St Domingue. Il fera construire ensuite au Port-Navalo, en Boiseau, une folie nantaise ". Après avoir épousé une riche cousine, il quitta Saint-Jean juste avant la Révolution et s'établira à Sautron, au chemin de Croix, dans le domaine de Beaulieu qu'il reçut comme dot par sa femme. Ils y seront assassinés par des chouans en 1795.
Les de La Ville Leroulx :
Pendant la Révolution, le manoir est loué et habité par Joseph de La Vile Leroulx. Avocat au Parlement de Nantes et marié avec Félicité Bidon de la Classerie, il fait partie des notables de St Jean. Il est élu juge de paix du canton du Pellerin le 24 octobre 1795 mais se désistera dès le lendemain de sa fonction. Le commissaire Saint qui surveille avec beaucoup de zèle l'ensemble du canton lui apporte une attention toute particulière et le soupçonne très fortement d'être en relations avec le mouvement contre-révolutionnaire : « homme de loi à Nantes ; on peut le soupçonner d'hypocrisie en républicanisme, car il vient souvent à la campagne en cette commune et il ne peut ignorer que sa dite maison a toujours été le lieu du rassemblement des royalistes, fanatiques. C'est chez lui qu'ont été endoctrinés bien des ignorants et où s'est perdu bien du monde ; le dit LAVILLE LEROUX ignore-t-il ou autorise-t-il les conciliabules tenus en sa maison. L'un des deux mais le premier est difficile à croire.
Je vous réitère donc que le dit LAVILLE-LEROUX est à Boizeau depuis 8 jours, que ses domestiques et fermiers répandent sourdement des bruits désastreux pour la République, que les habitants de Boizeau craintifs mais curieux vont savoir de lui la confirmation des nouvelles répandues, que lui LAVILLE-LEROUX affecte un air mystérieux, plus dangereux que s'il disait hautement ce qu'il fait ; qu'il prend en particulier et dit en secret à quelqu'un qu'il connaît et qui a du crédit parmi les concitoyens, avec invitation de n'en pas parler, pour donner plus de poids à ses nouvelles mystérieuses et irriter la curiosité des spectateurs, ce qui est bien une précaution raffinée pour persuader le public crédule ».
Pendant la terreur, il se réfugiera à Nantes et ne reviendra à Saint-Jean que plus tard. En 1812, il achètera le domaine et durant tout le XIX° siècle, cette propriété restera aux mains de ses descendants.
La Cruaudière deviendra alors un centre culturel assez important dans la région. Beaucoup d'écrivains, d'artistes, de peintres, également de scientifiques (naturalistes de Couëron) aimeront se retrouver en ces lieux.
En 1833, Madame de La Ville Leroulx est veuve. Elle garde le domaine avec une nombreuse domesticité. Pas moins de 26 personnes composent cette suite. Signe de l'époque ou maison dans laquelle on reste ? Certaines servantes demeureront dans cette propriété jusqu'à la fin de leurs jours et rejoindront le caveau de leurs maîtres au cimetière municipal. On peut y voir, en effet, côte à côte les plaques commémoratives des maîtres et de quelques-uns de leurs domestiques.
C'est à partir de 1857 que le domaine deviendra la propriété de Félicité, la fille aînée de la famille. Elle y finira ses jours en 1893 avec ses deux sœurs qui s'éteindront plus tard. Félicité, très pieuse fit de nombreux dons à la paroisse mais elle avait conservé une attitude très digne empreinte de la noblesse dont elle descendait. Son comportement de tous les jours ainsi que celui de ses sœurs en était inspiré. Pierre Fréor, historien local, que nous évoquons à plusieurs reprises dans ce site a écrit à ce propos : « [...] Nous entendions d'assez loin le petit trot du vieux cheval et, lorsque la calèche nous dépassait, peu avant l'arrivée au bourg, nous nous arrêtions le long de la route, baissant notre tête en guise de salut. L'occupante était Mademoiselle de La Ville Leroulx, la dernière du nom qui nous faisait, de la main, un petit signe amical. Et lorsque cette unique voiture de l'époque s'arrêtait sur la place de l'église, le cocher descendait, se découvrait, ouvrait la portière et faisait une révérence. Mademoiselle descendait en plongeant ses mains dans son manteau de fourrure et entrait à l'église en prenant place à son banc réservé».
Les trois sœurs célibataires disparues, la propriété revint à une nièce, madame Bonamy, fille d'un notaire de Ploermel et d'Armande de Laville Leroulx, soeur des précédentes occupantes du manoir. C'est ce qui fait qu'un Eugène Bonamy, arrière-petit-fils des occupants du début du XIX° siècle, « Capitaine au 9ème Cuirassiers, Chevalier de la Légion d'Honneur, Décoré de la croix de guerre, 7 fois cité pour faits de guerre, Mort pour la France à la bataille de Ferrière (près Chauny) le 23 Mars 1918 » repose dans le même tombeau au cimetière de Saint-Jean.
Félicité Bidon - 1793-1857 |
Les premiers occupants que l'on connaisse de cette demeure vivaient au début du XVII° siècle. Ils étaient en fait des descendants des seigneurs de Machecoul. Ces nobles disposaient de nombreux biens dans la région et détenaient entre autres le domaine de Bougon dont dépendait La Cruaudière.
Ce manoir passa entre de nombreuses mains au cours des décennies suivantes. En 1765, il est acquis par Simon Phelippes, riche négociant qui pratique le commerce du sucre avec ses plantations de St Domingue. Il fera construire ensuite au Port-Navalo, en Boiseau, une folie nantaise ". Après avoir épousé une riche cousine, il quitta Saint-Jean juste avant la Révolution et s'établira à Sautron, au chemin de Croix, dans le domaine de Beaulieu qu'il reçut comme dot par sa femme. Ils y seront assassinés par des chouans en 1795.
Les de La Ville Leroulx :
Pendant la Révolution, le manoir est loué et habité par Joseph de La Vile Leroulx. Avocat au Parlement de Nantes et marié avec Félicité Bidon de la Classerie, il fait partie des notables de St Jean. Il est élu juge de paix du canton du Pellerin le 24 octobre 1795 mais se désistera dès le lendemain de sa fonction. Le commissaire Saint qui surveille avec beaucoup de zèle l'ensemble du canton lui apporte une attention toute particulière et le soupçonne très fortement d'être en relations avec le mouvement contre-révolutionnaire : « homme de loi à Nantes ; on peut le soupçonner d'hypocrisie en républicanisme, car il vient souvent à la campagne en cette commune et il ne peut ignorer que sa dite maison a toujours été le lieu du rassemblement des royalistes, fanatiques. C'est chez lui qu'ont été endoctrinés bien des ignorants et où s'est perdu bien du monde ; le dit LAVILLE LEROUX ignore-t-il ou autorise-t-il les conciliabules tenus en sa maison. L'un des deux mais le premier est difficile à croire.
Je vous réitère donc que le dit LAVILLE-LEROUX est à Boizeau depuis 8 jours, que ses domestiques et fermiers répandent sourdement des bruits désastreux pour la République, que les habitants de Boizeau craintifs mais curieux vont savoir de lui la confirmation des nouvelles répandues, que lui LAVILLE-LEROUX affecte un air mystérieux, plus dangereux que s'il disait hautement ce qu'il fait ; qu'il prend en particulier et dit en secret à quelqu'un qu'il connaît et qui a du crédit parmi les concitoyens, avec invitation de n'en pas parler, pour donner plus de poids à ses nouvelles mystérieuses et irriter la curiosité des spectateurs, ce qui est bien une précaution raffinée pour persuader le public crédule ».
Pendant la terreur, il se réfugiera à Nantes et ne reviendra à Saint-Jean que plus tard. En 1812, il achètera le domaine et durant tout le XIX° siècle, cette propriété restera aux mains de ses descendants.
La Cruaudière deviendra alors un centre culturel assez important dans la région. Beaucoup d'écrivains, d'artistes, de peintres, également de scientifiques (naturalistes de Couëron) aimeront se retrouver en ces lieux.
En 1833, Madame de La Ville Leroulx est veuve. Elle garde le domaine avec une nombreuse domesticité. Pas moins de 26 personnes composent cette suite. Signe de l'époque ou maison dans laquelle on reste ? Certaines servantes demeureront dans cette propriété jusqu'à la fin de leurs jours et rejoindront le caveau de leurs maîtres au cimetière municipal. On peut y voir, en effet, côte à côte les plaques commémoratives des maîtres et de quelques-uns de leurs domestiques.
C'est à partir de 1857 que le domaine deviendra la propriété de Félicité, la fille aînée de la famille. Elle y finira ses jours en 1893 avec ses deux sœurs qui s'éteindront plus tard. Félicité, très pieuse fit de nombreux dons à la paroisse mais elle avait conservé une attitude très digne empreinte de la noblesse dont elle descendait. Son comportement de tous les jours ainsi que celui de ses sœurs en était inspiré. Pierre Fréor, historien local, que nous évoquons à plusieurs reprises dans ce site a écrit à ce propos : « [...] Nous entendions d'assez loin le petit trot du vieux cheval et, lorsque la calèche nous dépassait, peu avant l'arrivée au bourg, nous nous arrêtions le long de la route, baissant notre tête en guise de salut. L'occupante était Mademoiselle de La Ville Leroulx, la dernière du nom qui nous faisait, de la main, un petit signe amical. Et lorsque cette unique voiture de l'époque s'arrêtait sur la place de l'église, le cocher descendait, se découvrait, ouvrait la portière et faisait une révérence. Mademoiselle descendait en plongeant ses mains dans son manteau de fourrure et entrait à l'église en prenant place à son banc réservé».
Les trois sœurs célibataires disparues, la propriété revint à une nièce, madame Bonamy, fille d'un notaire de Ploermel et d'Armande de Laville Leroulx, soeur des précédentes occupantes du manoir. C'est ce qui fait qu'un Eugène Bonamy, arrière-petit-fils des occupants du début du XIX° siècle, « Capitaine au 9ème Cuirassiers, Chevalier de la Légion d'Honneur, Décoré de la croix de guerre, 7 fois cité pour faits de guerre, Mort pour la France à la bataille de Ferrière (près Chauny) le 23 Mars 1918 » repose dans le même tombeau au cimetière de Saint-Jean.