Sur l’île d’Indret, on construit des canons jusqu’en 1828. A cette date,
la fabrication est suspendue et transférée à Ruelle, en Charente. Les essais des canons, depuis la prairie de l’île d’Indret envoient, dans un premier temps, leurs projectiles sur la butte entre la médiathèque d’aujourd’hui et le calvaire de Mission de 1937 de la rue d’Indret. On décale ses tirs vers la lande de la garenne suite aux protestations de Monsieur d’Aux. On nomme cet endroit « les terres brûlées », car les boulets qui y arrivaient, mettaient le feu dans la lande et les bois.
L’arrêt de ces tirs rend ces terres constructibles, et en 1830, Aristide Demangeat, jeune propriétaire de 24 ans, fermier à la Briandière, déjà riche de l’héritage de sa mère, achète une parcelle. Il construit d’abord un parc qu’il fait entourer par des murs de deux mètres cinquante. On peut voir encore, de nos jours, un bout de ce mur dans le jardin de la maison de retraite « Bon Repos », rue Camille Pelletan.
En 1836, à la constitution du cadastre, entre le parc de Monsieur Demangeat et le village du Frêne, il n’existait qu’une seule maison. Cette bâtisse, construite en 1832 par un contremaître des travaux hydrauliques d’Indret M Herret, est destinée à un café de détente pour les ouvriers. Ils peuvent venir jouer, manger, boire et même dormir lorsqu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux, en particulier ceux que le brouillard ou la tempête empêche de prendre le bateau pour les ramener à Basse-Indre. Les matériaux pour la réalisation de ce café arrivent depuis le petit port de la maréchaussée et sont acheminés, par des petits sentiers, jusqu’en haut de la butte. Un dénommé Leroux approvisionne les sacs de sable. La pierre est extraite sur place. La construction de la maison de M Demangeat commence en 1839, il y habite en 1842. Comme pour le café, la plupart des matériaux pour cette construction arrive par bateau au petit port de la maréchaussée.
En 1846, il devient Maire de sa commune : Saint-Jean-de-Boiseau. De caractère difficile avec l’administration, il n’accepte pas les projets du préfet et démissionne. Il y revient en 1854 mais, là encore, toujours en désaccord, il renonce à son poste de Maire dans la même année.
En 1863, il décide de vendre sa villa, son parc et divers terrains. Il envisage de racheter le château de Lorière à Brains qui est à l’abandon et appartient à la famille Boquien.
Chez le notaire de Basse-Indre on enregistre une vingtaine de ventes de terrains. Sa Villa « La Montagne » a trouvé très vite preneur en la personne de M Ernest Stanislas Blanchard, qui recherche un bien dans la région. Ce dernier se trouve, à ce moment-là, en location au Château d’Aux avec sa femme, Louise-Marie Avrouin-Foulon. Cette dernière est la fille de Charles Gatien Avrouin-Foulon, receveur général des finances du Morbihan. Quant à M Blanchard, il est né à Beauvais, son père Stanislas est marchand en gros. Il a une sœur Marie-Rose mariée au Comte Gabriel-Jules de Francheville-du-Pélinec, seigneur du Château de Truscat à Sarzeau (militaire et homme politique).
Monsieur et Madame Blanchard sont arrivés dans la région nantaise, suite à la faillite du père de Louise, banquier et receveur d’impôts du Morbihan. Condamné le 9 décembre 1858 par le tribunal de Vannes, M Charles-Gastien Avrouin-Foulon est poursuivi pour une banqueroute de 4 millions de francs. Tous ses biens sont saisis et il doit faire deux ans de prison. Vu son âge et ses discussions incohérentes, on le laisse en liberté.
Toute la famille quitte le Château de Rogués à Arradon et vient habiter route de Rennes à Nantes. Le père malade décède le 22 août 1860. M et Mme Blanchard, jeunes époux, cherchent en urgence un logement.
Pour cet achat, M Blanchard passe par le syndic des agents de change parisiens et donne pouvoir à M Eugène Keller pour l’acquisition et la gestion de la propriété. Les actes du notaire Clavier du 20 décembre 1863 nous indiquent : Devant le notaire Clavier, a comparu M Jean-Marie Violin, boulanger à Basse-Indre et M Joseph Bertrand, pilote-major de Basse-Indre, comme témoins dans l’affaire d’achat de la propriété de M Aristide Demangeat par M Stanislas Ernest Blanchard. A comparu M Antoine Prudent Garbert, principal clerc de notaire de la ville de Beauvais pour représenter Mme Geneviève-Rosalie Ricard veuve de M Stanislas Blanchard son époux, pour faire une donation à son fils, d’une somme de sept mille francs.
Elle y ajoute une somme de dix-huit mille francs pour tout compte du viager qu’elle doit lui verser chaque année. Ce viager avait été signé chez le notaire Glais à Vannes lors de son mariage avec Mme Louise Avrouin. La rente était de trois cent vingt francs par an. M Blanchard accepte. Les signatures de tous les témoins sont apposées sur le document.
M Blanchard, possédant maintenant l’argent pour l’achat, cette vente est réglée le 21 janvier 1864. À l’hypothèque, on trouve l’acte de mutation de la vente de la propriété de M Demangeat. M Blanchard meurt, à 46 ans, le mardi 12 juillet 1870 à Paris dans sa maison, au 28, rue Saint-Lazare. Sa veuve fait rapatrier le corps de son mari au cimetière de la Montagne. Sa veuve garde l’usufruit de la maison et des biens avec l’assentiment de la nouvelle propriétaire, sœur de M Blanchard, par testament. Elle reste 20 ans à La Montagne, fait beaucoup de bien pour la commune, puis elle part habiter à Nantes près de sa mère et enfin à Lyon, 6 Montées de l’Antiquaille où elle meurt le 20 novembre 1926 à 91 ans à l’hôpital Antiquaille. Cet hôpital de nos jours est devenu le centre culturel Antiquaille.
Avant de partir sur Lyon, elle vend les biens qu’elle possède (maison, parc et de nombreux terrains sur La Montagne, Brains, Saint-Jean-de-Boiseau et Port-Saint-Père) avec sa belle-soeur qui est veuve aussi.
L’acheteur est le notaire Adolphe Julien Geffriaud de Nantes. La vente est réalisée le 1er décembre 1892 chez le notaire Pelletier à Basse-Indre. Malade et n’ayant pas l’utilité de cette villa il souhaite trouver un acquéreur ou un locataire. En 1897, on lui demande de louer à M Constantin car cette famille cherche un bien dans le secteur en lui indiquant qu’il est prêt à revendre cette demeure.
Le 22 décembre 1897, la vente de la villa est faite à M Constantin Octave-Joseph-Auguste, docteur chirurgien qui a exercé à Guernesey. Il est marié à une Anglaise, Marguerite-Marie Bourdase, ils ont quatre enfants.
La vente a lieu devant le notaire de Bouaye, Georges Colin assisté de MM Hippolyte Durand, percepteur des contributions directes et Louise-Marie Babonneau, greffier de la justice de paix, tous deux habitant à Bouaye. Monsieur Geffriaud et son épouse habitent 6 quai Duquesne à Nantes. Le prix de la vente est fixé à 35 000 francs pour un parc avec la villa de 2 hectares 46 ares et deux autres parcelles.
Mais, très vite, M Constantin ne se trouve pas à l’aise dans la commune qui grandit. Ses enfants souhaitent rester à Nantes. La municipalité veut racheter la villa. Dans deux discours au conseil municipal du 15 décembre 1904 et du 23 février 1905 le maire Pierre Salaud fait une longue plaidoirie pour convaincre son équipe.
Monsieur le Maire expose au Conseil l’intérêt qu’il y aurait pour la commune à acquérir une partie de la propriété de la Villa Montagne qui fait suite aux bâtiments communaux, pour installer dans la maison divers services municipaux et dans le parc, une place qui fait complètement défaut à la Montagne, ainsi qu’une promenade publique. Suite à cela une enquête publique s’engage.
Le 25 février 1905, Monsieur le Maire met sous les yeux du conseil municipal :
1 - le plan du terrain que la commune à l’intention d’acquérir dans le parc de la Villa Montagne appartenant à M Constantin.
2 - le procès-verbal de l’expert.
3 - la promesse de vente.
4 - l’arrêté du Sous-Préfet de Paimboeuf en date du 8 février 1905, nommant M Jamet, commissaire-enquêteur.
5 - le certificat du Maire constatant que les publications annonçant l’enquête ont été faites.
6 - le procès-verbal de l’enquête.
Le conseil après avoir pris connaissance de toutes les pièces est appelé à délibérer.
L’enquête publique montre 258 contestataires sur 1088 électeurs et 1545 contribuables. On considère que la minorité est négligeable.
De plus, dans la liste des contestataires, 150 habitent la commune depuis moins de quatre ou cinq ans. Il est inadmissible que ces électeurs, qui ne connaissent pas les besoins de la commune, viennent s’interposer pour faire échec à ce projet désiré par la grande majorité de la population. Considérant que quatre cinquièmes des électeurs ne se sont pas dérangés pour apporter leur adhésion au projet. On passe au vote du conseil municipal. 21 votants, 21 bulletins dans l’urne, 21 pour. Le conseil se décide à la majorité pour le projet. On fait une demande à monsieur le Préfet de bien vouloir autoriser la commune à signer l’acte d’acquisition et à commencer les formalités de l’emprunt qu’elle devra contracter. Le 24 juillet, le Préfet autorise l’acquisition de la Villa Montagne de M Constantin, pour l’installation de divers services municipaux : la mairie, la poste, des logements pour les instituteurs et la gendarmerie. Neuf personnes sont désignées pour la mise en place et la réalisation des travaux : MM Sauvaget, Judic, David, Belot, Pasciés, Hubon, Lecouedic, Renaud et Saudrais.
Courant octobre M Constantin fait un don à la municipalité pour ouvrir un chemin, de la rue principale vers la future mairie. L’acte de vente est fait chez le notaire de Bouaye, Me Colin.
Du dix-neuf septembre mille neuf cent cinq : Inscription prise d’office en vertu d’un acte de vente passé devant Maitre Colin Notaire à Bouaye le sept septembre mille neuf cent cinq, transmise aujourd’hui Volume N°24. Au profit
de M Octave Auguste Joseph Constantin docteur en médecine et Mme Marguerite Marie Bourdasse son épouse demeurant à Nantes Rue Félibien n° 49 ayant demeuré au bourg de La Montagne. Domicilié à Bouaye en l’Etude de Me Colin notaire sans domicile élu en l’acte dans l’arrondissement. Contre la Commune de la Montagne, pour sureté de la somme de trente mille francs prix principal aux vendeurs à Bouaye en l’Etude de Me Colin notaire dans trois mois du jour de l’acte, avec intérêt à 4% l’an, à partir de ce jour jusqu’à la libération intégrale de ladite commune à 30 000 Francs. Par privilège sur les immeubles vendu, consistant en : les immeubles suivants faisant partie de la propriété dite « Villa Montagne » au bourg de la commune de La Montagne :
1- Une maison de maître composée d’un rez-de-chaussée, avec cuisine et caves en sous-sol et d’un premier étage avec grenier mansardé au-dessus. Un terrain en parc s’étendant au nord, à l’Est et à l’Ouest de cette maison avec mur de clôture bordant la route d’Indret et autre mur à l’Est plus une bande de terrain comprise entre ce dernier mur et des propriétés appartenant à l’Etat et à la commune. Le tout se joignant d’une surface de 10 280 mètres carrés, est délimitée au nord par la route d’Indret, à l’Est par l’Etat et le groupe scolaire de la Montagne. Au sud et à l’Ouest par un terrain appartenant à la Commune.
2- Et un terrain en parc d’une surface de 2 535 mètres carrés en deux parcelles se joignant la première de 36 mètres de largueur, s’étendant en face de la maison sus désignée de l’autre côté du terrain appartenant à la commune jusqu’aux propriétés de MM Lélon, Mocquard et Hervé, à la deuxième parcelle ci-après désignée Est délimité au nord par le terrain appartenant à la Commune, à l’Est et à l’Ouest par des terrains conservés par les vendeurs au sud par les propriétés Lélon, Moquard et Hervé, les murs de séparation mitoyens et la parcelle suivante.
3- La seconde parcelle de 12 mètres et 10 centimètres de largueur, s’étendant à la suite vers le sud de la parcelle précédente entre les propriétés Lebon et Hervé jusqu’au chemin du Parc où elle a accès, est délimitée au nord par la parcelle précédente, à l’Est par la propriété Hervé le mur de séparation mitoyen au sud par le chemin du parc par l’Ouest par la propriété Lebon, le mur de séparation mitoyen de ladite vente au jour de l’acte, charge d’établir des voies et place publiques.
Le Conseil Municipal sur les marches donnant côté Parc juste après l’acquisition. .
Photo prise à la fin d’une réunion qui vient de se tenir dans la nouvelle Mairie le 3 décembre 1905.
Ce conseil était présidé par Pierre Salaud, le maire, qui se battit contre tous pour obtenir ce bâtiment.
Le conseil, ce jour-là, votait pour l’élection de 2 délégués et 2 suppléants.
Il fallut trois tours pour obtenir la majorité des votants
Sitôt acquis, on décide d’une grande fête pour l’inauguration. Un budget est pris par les conseillers municipaux et la date retenue est le 24 octobre 1905. De nombreuses invitations ont été envoyées aux autorités représentatives de tout le département. Mais, par retour de courrier beaucoup s’excusent de ne pouvoir venir, car la tendance politique des Montagnards n’est pas celle de ses représentants.
Un seul répond oui, le Conseiller Général du canton du Pellerin, ami du maire et bienfaiteur de la commune. Le dimanche 24 octobre 1905, par une journée grise, humide et froide, M Boquien, le Conseiller Général du Canton du Pellerin depuis 1871, préside, avec Monsieur le Maire, l’inauguration de cette nouvelle mairie. On organise un cortège avec musique en tête pour se rendre à la salle Dagrumet, aujourd’hui la salle du Lapin Vert (A.L.M.) pour un banquet.
La salle a été décorée de guirlandes tressées vertes et de petits drapeaux républicains. M Boquien est entouré à sa droite par Pierre Salaud et à sa gauche par M Touzé, le premier adjoint. Voici le menu :
- huîtres,
- poisson au beurre blanc,
- civet de lièvre,
- poulet rôti avec salade,
- petits pois à la reine,
- mendiant et baba au rhum,
- café avec rhum, cognac ou kirsch,
- les vins : Madère, Médoc, Saint léger et Champagne.
Durant le repas, M Boquien fait un discours sur l’évolution de la commune et parle aussi de son ancien Maire, M Violin, constructeur de cette commune. Il termine son discours par « Je lève mon verre et bois à la République, à la Municipalité, à la commune de la Montagne, et à tous les braves et glorieux Montagnards ».
On quitte la salle pour l’inauguration de la nouvelle mairie avec visite du bâtiment et coupe de champagne. Les Montagnards peuvent faire la visite du parc et de la Villa, visite suivie, le soir, d’un grand bal et d’une retraite aux flambeaux accompagnée par la fanfare U.M.S et de la Prolétarienne.
Nous arrivons au bout de ce récit. Soixante-trois ans se sont écoulés depuis la construction du bâtiment par Aristide Demangeat, ancien Maire de la commune de Saint-Jean-de-Boiseau avant la séparation et la création de la commune de La Montagne jusqu’à la Nouvelle Mairie voulue par le Maire Pierre Salaud. Quatre propriétaires se sont succédé.
Nota : Sources des Archives départementales de Loire-Atlantique et du Morbihan, archives des notaires, documentations et recherches sur le net.
Jean Yves Grollier
la villa devenue mairie de la Montagne |
la fabrication est suspendue et transférée à Ruelle, en Charente. Les essais des canons, depuis la prairie de l’île d’Indret envoient, dans un premier temps, leurs projectiles sur la butte entre la médiathèque d’aujourd’hui et le calvaire de Mission de 1937 de la rue d’Indret. On décale ses tirs vers la lande de la garenne suite aux protestations de Monsieur d’Aux. On nomme cet endroit « les terres brûlées », car les boulets qui y arrivaient, mettaient le feu dans la lande et les bois.
L’arrêt de ces tirs rend ces terres constructibles, et en 1830, Aristide Demangeat, jeune propriétaire de 24 ans, fermier à la Briandière, déjà riche de l’héritage de sa mère, achète une parcelle. Il construit d’abord un parc qu’il fait entourer par des murs de deux mètres cinquante. On peut voir encore, de nos jours, un bout de ce mur dans le jardin de la maison de retraite « Bon Repos », rue Camille Pelletan.
En 1836, à la constitution du cadastre, entre le parc de Monsieur Demangeat et le village du Frêne, il n’existait qu’une seule maison. Cette bâtisse, construite en 1832 par un contremaître des travaux hydrauliques d’Indret M Herret, est destinée à un café de détente pour les ouvriers. Ils peuvent venir jouer, manger, boire et même dormir lorsqu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux, en particulier ceux que le brouillard ou la tempête empêche de prendre le bateau pour les ramener à Basse-Indre. Les matériaux pour la réalisation de ce café arrivent depuis le petit port de la maréchaussée et sont acheminés, par des petits sentiers, jusqu’en haut de la butte. Un dénommé Leroux approvisionne les sacs de sable. La pierre est extraite sur place. La construction de la maison de M Demangeat commence en 1839, il y habite en 1842. Comme pour le café, la plupart des matériaux pour cette construction arrive par bateau au petit port de la maréchaussée.
En 1846, il devient Maire de sa commune : Saint-Jean-de-Boiseau. De caractère difficile avec l’administration, il n’accepte pas les projets du préfet et démissionne. Il y revient en 1854 mais, là encore, toujours en désaccord, il renonce à son poste de Maire dans la même année.
En 1863, il décide de vendre sa villa, son parc et divers terrains. Il envisage de racheter le château de Lorière à Brains qui est à l’abandon et appartient à la famille Boquien.
Chez le notaire de Basse-Indre on enregistre une vingtaine de ventes de terrains. Sa Villa « La Montagne » a trouvé très vite preneur en la personne de M Ernest Stanislas Blanchard, qui recherche un bien dans la région. Ce dernier se trouve, à ce moment-là, en location au Château d’Aux avec sa femme, Louise-Marie Avrouin-Foulon. Cette dernière est la fille de Charles Gatien Avrouin-Foulon, receveur général des finances du Morbihan. Quant à M Blanchard, il est né à Beauvais, son père Stanislas est marchand en gros. Il a une sœur Marie-Rose mariée au Comte Gabriel-Jules de Francheville-du-Pélinec, seigneur du Château de Truscat à Sarzeau (militaire et homme politique).
Monsieur et Madame Blanchard sont arrivés dans la région nantaise, suite à la faillite du père de Louise, banquier et receveur d’impôts du Morbihan. Condamné le 9 décembre 1858 par le tribunal de Vannes, M Charles-Gastien Avrouin-Foulon est poursuivi pour une banqueroute de 4 millions de francs. Tous ses biens sont saisis et il doit faire deux ans de prison. Vu son âge et ses discussions incohérentes, on le laisse en liberté.
Toute la famille quitte le Château de Rogués à Arradon et vient habiter route de Rennes à Nantes. Le père malade décède le 22 août 1860. M et Mme Blanchard, jeunes époux, cherchent en urgence un logement.
Pour cet achat, M Blanchard passe par le syndic des agents de change parisiens et donne pouvoir à M Eugène Keller pour l’acquisition et la gestion de la propriété. Les actes du notaire Clavier du 20 décembre 1863 nous indiquent : Devant le notaire Clavier, a comparu M Jean-Marie Violin, boulanger à Basse-Indre et M Joseph Bertrand, pilote-major de Basse-Indre, comme témoins dans l’affaire d’achat de la propriété de M Aristide Demangeat par M Stanislas Ernest Blanchard. A comparu M Antoine Prudent Garbert, principal clerc de notaire de la ville de Beauvais pour représenter Mme Geneviève-Rosalie Ricard veuve de M Stanislas Blanchard son époux, pour faire une donation à son fils, d’une somme de sept mille francs.
Elle y ajoute une somme de dix-huit mille francs pour tout compte du viager qu’elle doit lui verser chaque année. Ce viager avait été signé chez le notaire Glais à Vannes lors de son mariage avec Mme Louise Avrouin. La rente était de trois cent vingt francs par an. M Blanchard accepte. Les signatures de tous les témoins sont apposées sur le document.
M Blanchard, possédant maintenant l’argent pour l’achat, cette vente est réglée le 21 janvier 1864. À l’hypothèque, on trouve l’acte de mutation de la vente de la propriété de M Demangeat. M Blanchard meurt, à 46 ans, le mardi 12 juillet 1870 à Paris dans sa maison, au 28, rue Saint-Lazare. Sa veuve fait rapatrier le corps de son mari au cimetière de la Montagne. Sa veuve garde l’usufruit de la maison et des biens avec l’assentiment de la nouvelle propriétaire, sœur de M Blanchard, par testament. Elle reste 20 ans à La Montagne, fait beaucoup de bien pour la commune, puis elle part habiter à Nantes près de sa mère et enfin à Lyon, 6 Montées de l’Antiquaille où elle meurt le 20 novembre 1926 à 91 ans à l’hôpital Antiquaille. Cet hôpital de nos jours est devenu le centre culturel Antiquaille.
Avant de partir sur Lyon, elle vend les biens qu’elle possède (maison, parc et de nombreux terrains sur La Montagne, Brains, Saint-Jean-de-Boiseau et Port-Saint-Père) avec sa belle-soeur qui est veuve aussi.
L’acheteur est le notaire Adolphe Julien Geffriaud de Nantes. La vente est réalisée le 1er décembre 1892 chez le notaire Pelletier à Basse-Indre. Malade et n’ayant pas l’utilité de cette villa il souhaite trouver un acquéreur ou un locataire. En 1897, on lui demande de louer à M Constantin car cette famille cherche un bien dans le secteur en lui indiquant qu’il est prêt à revendre cette demeure.
Le 22 décembre 1897, la vente de la villa est faite à M Constantin Octave-Joseph-Auguste, docteur chirurgien qui a exercé à Guernesey. Il est marié à une Anglaise, Marguerite-Marie Bourdase, ils ont quatre enfants.
La vente a lieu devant le notaire de Bouaye, Georges Colin assisté de MM Hippolyte Durand, percepteur des contributions directes et Louise-Marie Babonneau, greffier de la justice de paix, tous deux habitant à Bouaye. Monsieur Geffriaud et son épouse habitent 6 quai Duquesne à Nantes. Le prix de la vente est fixé à 35 000 francs pour un parc avec la villa de 2 hectares 46 ares et deux autres parcelles.
Mais, très vite, M Constantin ne se trouve pas à l’aise dans la commune qui grandit. Ses enfants souhaitent rester à Nantes. La municipalité veut racheter la villa. Dans deux discours au conseil municipal du 15 décembre 1904 et du 23 février 1905 le maire Pierre Salaud fait une longue plaidoirie pour convaincre son équipe.
Monsieur le Maire expose au Conseil l’intérêt qu’il y aurait pour la commune à acquérir une partie de la propriété de la Villa Montagne qui fait suite aux bâtiments communaux, pour installer dans la maison divers services municipaux et dans le parc, une place qui fait complètement défaut à la Montagne, ainsi qu’une promenade publique. Suite à cela une enquête publique s’engage.
Le 25 février 1905, Monsieur le Maire met sous les yeux du conseil municipal :
1 - le plan du terrain que la commune à l’intention d’acquérir dans le parc de la Villa Montagne appartenant à M Constantin.
2 - le procès-verbal de l’expert.
3 - la promesse de vente.
4 - l’arrêté du Sous-Préfet de Paimboeuf en date du 8 février 1905, nommant M Jamet, commissaire-enquêteur.
5 - le certificat du Maire constatant que les publications annonçant l’enquête ont été faites.
6 - le procès-verbal de l’enquête.
Le conseil après avoir pris connaissance de toutes les pièces est appelé à délibérer.
L’enquête publique montre 258 contestataires sur 1088 électeurs et 1545 contribuables. On considère que la minorité est négligeable.
De plus, dans la liste des contestataires, 150 habitent la commune depuis moins de quatre ou cinq ans. Il est inadmissible que ces électeurs, qui ne connaissent pas les besoins de la commune, viennent s’interposer pour faire échec à ce projet désiré par la grande majorité de la population. Considérant que quatre cinquièmes des électeurs ne se sont pas dérangés pour apporter leur adhésion au projet. On passe au vote du conseil municipal. 21 votants, 21 bulletins dans l’urne, 21 pour. Le conseil se décide à la majorité pour le projet. On fait une demande à monsieur le Préfet de bien vouloir autoriser la commune à signer l’acte d’acquisition et à commencer les formalités de l’emprunt qu’elle devra contracter. Le 24 juillet, le Préfet autorise l’acquisition de la Villa Montagne de M Constantin, pour l’installation de divers services municipaux : la mairie, la poste, des logements pour les instituteurs et la gendarmerie. Neuf personnes sont désignées pour la mise en place et la réalisation des travaux : MM Sauvaget, Judic, David, Belot, Pasciés, Hubon, Lecouedic, Renaud et Saudrais.
Courant octobre M Constantin fait un don à la municipalité pour ouvrir un chemin, de la rue principale vers la future mairie. L’acte de vente est fait chez le notaire de Bouaye, Me Colin.
Du dix-neuf septembre mille neuf cent cinq : Inscription prise d’office en vertu d’un acte de vente passé devant Maitre Colin Notaire à Bouaye le sept septembre mille neuf cent cinq, transmise aujourd’hui Volume N°24. Au profit
de M Octave Auguste Joseph Constantin docteur en médecine et Mme Marguerite Marie Bourdasse son épouse demeurant à Nantes Rue Félibien n° 49 ayant demeuré au bourg de La Montagne. Domicilié à Bouaye en l’Etude de Me Colin notaire sans domicile élu en l’acte dans l’arrondissement. Contre la Commune de la Montagne, pour sureté de la somme de trente mille francs prix principal aux vendeurs à Bouaye en l’Etude de Me Colin notaire dans trois mois du jour de l’acte, avec intérêt à 4% l’an, à partir de ce jour jusqu’à la libération intégrale de ladite commune à 30 000 Francs. Par privilège sur les immeubles vendu, consistant en : les immeubles suivants faisant partie de la propriété dite « Villa Montagne » au bourg de la commune de La Montagne :
1- Une maison de maître composée d’un rez-de-chaussée, avec cuisine et caves en sous-sol et d’un premier étage avec grenier mansardé au-dessus. Un terrain en parc s’étendant au nord, à l’Est et à l’Ouest de cette maison avec mur de clôture bordant la route d’Indret et autre mur à l’Est plus une bande de terrain comprise entre ce dernier mur et des propriétés appartenant à l’Etat et à la commune. Le tout se joignant d’une surface de 10 280 mètres carrés, est délimitée au nord par la route d’Indret, à l’Est par l’Etat et le groupe scolaire de la Montagne. Au sud et à l’Ouest par un terrain appartenant à la Commune.
2- Et un terrain en parc d’une surface de 2 535 mètres carrés en deux parcelles se joignant la première de 36 mètres de largueur, s’étendant en face de la maison sus désignée de l’autre côté du terrain appartenant à la commune jusqu’aux propriétés de MM Lélon, Mocquard et Hervé, à la deuxième parcelle ci-après désignée Est délimité au nord par le terrain appartenant à la Commune, à l’Est et à l’Ouest par des terrains conservés par les vendeurs au sud par les propriétés Lélon, Moquard et Hervé, les murs de séparation mitoyens et la parcelle suivante.
3- La seconde parcelle de 12 mètres et 10 centimètres de largueur, s’étendant à la suite vers le sud de la parcelle précédente entre les propriétés Lebon et Hervé jusqu’au chemin du Parc où elle a accès, est délimitée au nord par la parcelle précédente, à l’Est par la propriété Hervé le mur de séparation mitoyen au sud par le chemin du parc par l’Ouest par la propriété Lebon, le mur de séparation mitoyen de ladite vente au jour de l’acte, charge d’établir des voies et place publiques.
Le Conseil Municipal sur les marches donnant côté Parc juste après l’acquisition. .
Photo prise à la fin d’une réunion qui vient de se tenir dans la nouvelle Mairie le 3 décembre 1905.
Ce conseil était présidé par Pierre Salaud, le maire, qui se battit contre tous pour obtenir ce bâtiment.
Le conseil, ce jour-là, votait pour l’élection de 2 délégués et 2 suppléants.
Il fallut trois tours pour obtenir la majorité des votants
Sitôt acquis, on décide d’une grande fête pour l’inauguration. Un budget est pris par les conseillers municipaux et la date retenue est le 24 octobre 1905. De nombreuses invitations ont été envoyées aux autorités représentatives de tout le département. Mais, par retour de courrier beaucoup s’excusent de ne pouvoir venir, car la tendance politique des Montagnards n’est pas celle de ses représentants.
Un seul répond oui, le Conseiller Général du canton du Pellerin, ami du maire et bienfaiteur de la commune. Le dimanche 24 octobre 1905, par une journée grise, humide et froide, M Boquien, le Conseiller Général du Canton du Pellerin depuis 1871, préside, avec Monsieur le Maire, l’inauguration de cette nouvelle mairie. On organise un cortège avec musique en tête pour se rendre à la salle Dagrumet, aujourd’hui la salle du Lapin Vert (A.L.M.) pour un banquet.
La salle a été décorée de guirlandes tressées vertes et de petits drapeaux républicains. M Boquien est entouré à sa droite par Pierre Salaud et à sa gauche par M Touzé, le premier adjoint. Voici le menu :
- huîtres,
- poisson au beurre blanc,
- civet de lièvre,
- poulet rôti avec salade,
- petits pois à la reine,
- mendiant et baba au rhum,
- café avec rhum, cognac ou kirsch,
- les vins : Madère, Médoc, Saint léger et Champagne.
Durant le repas, M Boquien fait un discours sur l’évolution de la commune et parle aussi de son ancien Maire, M Violin, constructeur de cette commune. Il termine son discours par « Je lève mon verre et bois à la République, à la Municipalité, à la commune de la Montagne, et à tous les braves et glorieux Montagnards ».
On quitte la salle pour l’inauguration de la nouvelle mairie avec visite du bâtiment et coupe de champagne. Les Montagnards peuvent faire la visite du parc et de la Villa, visite suivie, le soir, d’un grand bal et d’une retraite aux flambeaux accompagnée par la fanfare U.M.S et de la Prolétarienne.
Nous arrivons au bout de ce récit. Soixante-trois ans se sont écoulés depuis la construction du bâtiment par Aristide Demangeat, ancien Maire de la commune de Saint-Jean-de-Boiseau avant la séparation et la création de la commune de La Montagne jusqu’à la Nouvelle Mairie voulue par le Maire Pierre Salaud. Quatre propriétaires se sont succédé.
Nota : Sources des Archives départementales de Loire-Atlantique et du Morbihan, archives des notaires, documentations et recherches sur le net.
Jean Yves Grollier